Mounir, ce matin, a coiffé sa caboche ; il a mis un bonnet sur ce qui ressemble à une brosse. Et de sous son lit, il tire par les lacets, les baskets de son frère, lui c’est le cadet mais à son tour il les met. Appréciant son allure dans la crasse d’un miroir, il entend derrière lui sa mère qui s’affaire en cuisine. Il se pourrait bien qu’il aille la voir, elle aimerait tant qu’il la taquine... Le pauvre coin de son chemisier à force doit être salé, de repasser, repasser ses yeux boursouflés. Mais il n’a pas d’idée, il claque la porte d’entrée. Un peu plus bas dans son immeuble, cette vieille tour de Babel où on ne parle le français qu’aux ASSEDIC, à leurs guichets, les murs dans la cage d’escalier portent l’empreinte de son cul et « nique ta mère » écrit à côté. Il s’apprête à fumer le premier joint de la journée, mais il se dit que le shit ne fait s’évader que les bourgeois et enferme ses copains, tous ses copains dans des cellules.
L’adolescence comme seul diplôme et tout un monde d’hématomes, ce n’est peut-être qu’une cicatrice dans les fichiers de la Police. Mais Mounir, c’est aussi mon voisin, on habite le même palier, dans le même quartier. Bon comme un autre et mauvais comme tous... C’est pas dans le béton que les fleurs poussent !
Le doigt tendu pour exprimer l’idée qu’il se fait du monde entier, il a toute la journée pour traîner si c’est traîner d’amitié. Mais c’est pas tant que je me rappelle, on a pas que des frères sur ce bateau, il y a même de mecs qui se font la peau, pour un veston, une baffe à l’opinel ça dégénère. Alors avec ma gueule de travers et ma famille pour applaudir toutes ces questions sur la vie, tant de réponses que j’oublie, on a fait un groupe de chanson et entre copains on s’épate. Mais il se peut que l’on dérape : « Pour emmener le rap là où il n’est pas, je casse les frontières entre les musiques. La Bricole s’acharne et dérape pour le clic-clic du hip-hop. On sait que la vie c’est moins facile sans un franc, sans un temps de répit pour dire qu’on aime sa mère. On se taille une part de septième ciel dans les naufrages télévisés, la jeunesse des quartiers télé-achète sa liberté. Et faut croire que, inscrire son nom au journal de vingt heure, nous fait moins peur que se noyer dans les fichiers de l’Education Nationale. On ne va pas si mal, le soir en bas des blocs entre les boîtes aux lettres et les cages d’escaliers. On s’entrechoque juste, pour que, sache le, « tchik-tchak » ça fasse le bruit d’une lame, le bruit d’une claque, le cri du désespoir qui cogne à tes vitres le soir. De soirées en soirées à penser dépasser ce phénomène caillera, qui nous a tous fait passer de la détresse à n’importe quoi, de la maladresse enragée. Et toi, tu fais quoi ? Tu pera, pera ou t’agresses au micro les mêmes gens que t’agressent dans le métro. Tu vois si je fais ça, c’est nada ! Je veux juste que le rap change d’auditoire et que la radio cesse enfin d’être un bavoir. » Bon comme un autre et mauvais comme tous... C’est pas dans le béton que les fleurs poussent !