Seigneurs, sachiez: qui or ne s'en ira En cette terre où Dieu fut mort et vif Et qui la croix d'Outremer ne prendra, A grand peine ira en Paradis. Qui a en soit pitié ou souvenance Au haut Seigneur doit quérir sa vengeance Et délivrer sa terre et son pays.
Tous les mauvais demeureront deça, Qui n'aiment Dieu, bien ni honneur ni prix; Et chacun dit: "Ma femme, que fera? Ne laisserai à nul prix mes amis." Ceux-ci ont chu en trop folle attendance, Qu'il n'est ami fors Celui, sans doutance Or s'en iront ces vaillants bacheliers Qui aiment Dieu et l'honneur de ce monde, Et les morveux, les cendreux resteront; Aveugle est, de ce je ne doute mie, Qui secours ne fait à Dieu dans sa vie Et pour si peu perd la gloire du monde.
Dieu se laissa pour nous en croix peiner Et nous dira un jour où tous viendront: "Vous qui ma croix m'aidâtes à porter, Vous en irez là où mes anges sont; Là me verrez et ma mère Marie Et vous par qui je n'eus onques aide Descendrez tous en Enfer le profond."
Chacun cuide demeurer tout joyeux Et que jamais ne doive mal avoir; Ainsi les tiennent ennemi et péché Car ils n'ont sens, hardiesse ni pouvoir. Beau sire Dieu, ôtez leur tell' pensée Et puis nous mettez en votre contrée Si saintement que nous vous puissions voir!
Douce dame, reine couronnée, Priez pour nous, Vierge bienheureuse! Et après nul mal ne nous peut échoir.