J'ai grandi pas loin d'ici Dans le 3eme arrondissement Où les rêves se font endormis Une fois debout on a plus l'temps
Mon père gagnait sa vie A l'usine de Camaro Pareil comme son père avant lui Meme qu'y posait le meme morceau
Ma mère faisait des ménages Moi j'rêvais d'être écrivain Et pis de pelleter des nuages Pour que le soleil brille enfin
Mais j'etais si mauvais à l'école Que j'pensais pas qu'j'y arriverais J'etais pas de ceux qu'on traitait de bol Meme quand j'donnais tout c'que j'avais
Mais y avait monsieur Desilet Un prof fin et disponible Qui m'avait pris sous son aile Et croyait en mon talent subtile
Dommage ça n'allait rien changer J'coulerais le test du ministère Lundi j'enverrais mon CV A l'usine de mon père
Mais la veille de l'examen final Le bon monsieur Desilet M'a tendu un crayon banal Roulé dans un velours épais
Et puis tout en fixant ma main Y a dit "c'crayon la, il est magique Prend le demain pour l'examen Il sait les reponses et les repliques"
J'suis pas du genre a croire tout c'qu'on m'dit Mais mon prof inspirait confiance Et j'voulais croire un peu aussi Qu'j'avait peut etre encore une chance
D'ailleurs à la seconde où je l'ai prit J'ai senti comme un changement J'vous jure que j'vous conte pas d'mentries Non, le crayon etait vivant
Et contre toutes mes esperances Y'ecrivait pratiquement tout seul Sans blague c'avait presque pas de sens De le voir danser sur les feuilles
J'ai donc passer mon examen Comme un ptit test de routine Avec que'que chose comme 80 Presqu'aussi haut que mon éstime
Oh j'aurais du rendre le crayon J'etais quand meme pas un voleur Mais pour une fois qu'j'me trouvait bon Pis qu'l'avenir etait en couleur
J'ai mis le stylo dans ma poche Pis j'suis partit en courant La conscience aussi lourde qu'une roche Qu'on brise pour en faire du ciment
Et au fil des années J'suis devenu l'auteur que j'esperais J'ai meme vendu dans l'monde entier Tout mes bouquins et mes essais
Et avec le sentiment etrange Qu'au fond j'avais rien accompli Le crayon vainquait les pages blanches Moi je n'etais que son outil
J'me suis mis a boire plus qu'il ne faut Pour oublier qu'je n'etais rien Qu'je roulais dans une Camaro Sur laquelle mon père s'usait les mains
En plus j'avais toujours peur Qu'on me vole mon precieux crayon Ou qu'me denonce mon professeur Là s'en s'rait vraiment fini pour de bon
Y m'a retrouvé hier soir A une seance de dedicace Tout autour de ses yeux noirs Le temps avait laissé sa trace
Je lui devais mon succès Et des excuses comme de raison J'ai dit "m'sieur Desilet Vous venez chercher votre crayon"
Y m'a sourit tristement En disant "t'as toujours pas compris Y'est dans ta tête ton grand talent Le stylo v'nait de chez uniprix"
"laisse moi te regarder maintenant Je suis si fier de toi Y a pas un seul de tes romans Que j'ai pas lu au moins 3 fois"
Moi j'me suis levé d'un coup J'en croyait juste pas mes oreilles J'ai pris mon vieu prof par le cou La verité m'donnait des ailes
Tellement qu'en arrivant chez moi J'ai j'ter le stylo par la f'netre La lumiere brillait sur les toits Et les mots dansaient dans ma tête
J'ai pas fermé l'oeil de la nuit Non, j'ai ecrit sans m'arreter Le nombre de feuilles que j'ai noircies J'pourrais meme pas les compter
Ca raconte l'histoire d'un ptit gars Qu'y avait tellement pas confiance en lui Qui trouve plus facile de croire Qu'un crayon peux faire d'la magie
Car dans le 3eme arrondissement Les rêves volent pas très haut On les laisse trainer sur un banc Devant l'usine de Camaro
Et comme on entend la machinerie Crier jusque dans la cour d'école On comprend vite dès qu'on est ptit Qu'y a juste les oiseaux qui s'envolent