On vide un café, on en touille un autre Le temps passe de cafetière en cafetière Marins affamés, on ronge la côte On mange la soucoupe et la p'tite cuillère
La p'tite écuyère, d'ailleurs, viendra pas C'est con de s'y faire ! Attendre, c'est beau ! L'horloge s'en fout, elle est déjà là L'attente connaît jamais de repos
Ça te bat le cœur, te tient en éveil Touillé de mon spleen, remoud du café Ce soir, j'ai dû trop sucrer ma cervelle Le jour tombe vite, l'aiguille s'y fait
J'attends, j'attendrai l'express de Bordeaux Vers quinze expresso, Café des Tilleuls Un dossier d'osier tressé dans mon dos Et sur les genoux, un pot de glaïeuls
J'attendrai ton train en croquant des nems Le temps qu'il faudra sous la Montparnasse Si tu le prends pas, j'attendrai quand même Matant les talons des filles qui passent
Rien ne me sera bien insupportable J'attendrai vingt ans, regardant mourir Dix générations de piafs sous ma table Et mon pot de fleurs, vingt fois refleurir
Plus les siècles passent, plus on se résigne À sentir sa chaise pousser dans ses reins Peut-être mon corps aura pris racine Quand me parviendra la chanson d'un train
Je n'aurai pas vu crever les secondes Je serai tilleul, sous la Montparnasse Souriant de voir, blottie sous mon ombre, Mes feuilles chutant au fond de ta tasse