Lily, fûtes-vous une barmaid poétique Dans un vieux bar de l'Est, bleu et fumée, Où l'ivrognerie était douce et romantique Où des loups de mer et des gamins pâles vous aimaient? "Dignement" tendre avec vous, étiez-vous plus tendre Pour un craintif Jack ou Jim aux yeux suppliants Qui vous rêva fée des bois roses de novembre Ou des lacs de lunaire opale miroitante Et mourut de vous et vous fit mourir, Haineux de la vraie femme pour tous enivrante?
And the moon shines bright On the grave of poor Lily Dale Oh Lily! Sweet Lily!...
Sous les sombres pacaniers qui se mirent Dans l'eau vitreuse des bayous chargés de huttes, Lily, étiez-vous le négrillonne du Sud, D'un noir luisant, presque doré de tant reluire, Soleil noir avec un soleil blanc pour sourire? Étiez-vous la petite proie traquée, forcée Par de vieux chausseurs blancs obscènes et velus, L'animal favori cajolé, puis battu, L'excitante poupée bientôt brisée Qu'on enfouit un soir, pauvre chose fluette, Près d'un marais de jade où chantaient les rainettes Sous la lune qui grimaçait?
And the moon shines bright On the grave of poor Lily Dale Oh Lily! Sweet Lily!...
N'auriez-vous été, ô Lily, ombre plaintive, Qu'un sujet de chromo insane, L'atroce "fiancée" consomptive et poncive Du "contrebandier" ou du "jeune clergyman"? ...Non, l'air qui vous pleure est trop sauvagement triste, Trop sincèrement naïves sont les paroles; Et que votre joue fût noire, florale ou bise, Pour moi vous aurez été âcrement exquise Et je sens que votre âme, dans les brises molles, S'envola quand vous mourûtes, comme s'envole L'encens de l'iris des prairies vers les étoiles
And the moon shines bright On the grave of poor Lily Dale Oh Lily! Sweet Lily!...