"Pourquoi tu es revenu ? Tu vas le regretter ! Je te tuerai." Serge Morel n’en croit pas ses yeux. Il s’assoit près de la cheminée, dans le séjour de l’auberge de sa sœur Marie. Il est seul dans la pièce. Il lit à nouveau la lettre anonyme, inquiet.
"Qui me déteste à ce point ?" se demande-t-il.
Il regarde par la fenêtre. Le soleil brille sur les toits du petit village situé sur les rives du lac d’Annecy. Pour la première fois de sa vie, il a peur. Il se sent en danger.
"Je dois faire attention, très attention !" se dit-il.
L’horloge indique deux heures.
— Qu’est-ce que tu fais encore ici ?
Delphine, la nièce de Serge, se tient debout devant la porte et lui sourit. Elle a un joli visage, encadré de longs cheveux blonds.
— Ah, c’est toi, Delphine... Tu as raison, j’avais complètement oublié mon rendez-vous avec Julien !
La jeune fille s’aperçoit que quelque chose ne va pas.
— Tu as l’air inquiet... Si tu veux, je téléphone à Julien et je lui dis que tu ne peux pas venir.
— Non, ça va aller. Il faut absolument qu’on se voie aujourd’hui; Julien a déjà tellement de choses à organiser pour votre mariage...
Delphine se met à rire.
— D’habitude, c’est la fiancée qui a des problèmes avec les préparatifs !
Serge regarde sa nièce dans les yeux et lui demande :
— Dis-moi, tu es heureuse ?
— Oui, très heureuse... mais je suis aussi très fatiguée !
— Tu ne vas quand meme pas te plaindre ! crie Marie depuis le couloir. C’est moi qui ai presque tout organisé !
— Maman, tu plaisantes, n’est-ce pas ? réplique Delphine.
— Pas du tout ! Dis donc, ma chère, qui a envoyé les faire-part ? Et qui a parlé avec la couturière ? Et qui a...
— D’accord, tu as gagné. C’est toi qui as tout fait, tout préparé, tout organisé ! Peut-être même que c’est toi qui iras à l’autel avec Julien le jour du mariage !
Tout le monde se met à rire.
Une heure plus tard, Serge rencontre Julien. Les rapports entre les deux hommes semblent tendus.
— Je refuse de le vendre ! crie Serge.
Julien, un bel homme aux cheveux bruns, regarde, surpris, l’oncle de Delphine.
— Mon cher oncle, je me permets de t’appeler ainsi puisque je vais épouser ta nièce, il faut que tu me le vendes...
— Tu m’en demandes trop, répond Serge.
Il observe le terrain que Julien veut obtenir : c’est un immense pré bordé d’arbres. Au loin, on aperçoit les eaux turquoise du lac d’Annecy.
— Je te l’ai déjà dit, ajoute Julien, je peux te faire une offre très intéressante.
— Ce n’est pas une question d’argent, réplique Serge.
Un rayon de soleil éclaire le petit village.
— Tu veux détruire mes projets, c’est ça ?
— Julien, essaie de comprendre... Je viens d’arriver d’Australie et je ne désire qu’une seule chose : profiter de la tranquillité et de la paix qui règnent ici.
Serge soupire, puis il ajoute :
— J’ai l’intention de faire construire une petite maison en bois au milieu du terrain, et de mon balcon, je pourrai regarder les bateaux sur le lac.
— Mais tu ne comprends pas que chaque logement construit ici pourrait se vendre en quelques semaines, en quelques jours même ! C’est une affaire en or !
— Une affaire... à quoi bon ? J’en ai fait des affaires dans ma vie... Mais maintenant, tout ce qui m’interesse, c’est un endroit tranquille où passer le restant de mes jours. Et cet endroit, c’est ici, près du lac, au milieu des montagnes et