La joie et la bonne humeur régnent dans la salle. Delphine embrasse Julien et lui sourit. Elle est heureuse. Tout le monde lève son verre et porte un toast au jeune couple. Les serveurs courent d’une table à l’autre du restaurant. Le repas est délicieux : des hors-d'œuvre à base de cèpes et de saumon fumé, des poissons d'eau douce et du gibier. Il y a aussi les meilleurs fromages de la région... sans oublier la pièce montée ! Soudain, un homme aux cheveux blancs se lève et interrompt le brouhaha.
— Votre attention, s’il vous plaît !
Un murmure s’élève, puis tout le monde se tait. Un personnage influent, l'adjudant Luciani, lève les yeux de son assiette. Des cheveux noirs très courts encadrent son visage au teint cuivre. Il observe les invités d'un air satisfait.
≪ Les personnalites les plus en vue du village sont ici, penset-il, le maire, le curé, le notaire... Il y a aussi la fleuriste, le droguiste, et d’autres amis de la famille. ≫ Il remarque d’étranges regards en direction de l’homme qui vient de se lever. Delphine et Julien ne cessent de se dévorer des yeux. Ils sont si heureux qu’ils ne font pas attention à ce qui se passe autour d’eux. Son verre à la main, Serge va prendre la parole. L’ambiance est tendue et l’adjudant a un mauvais pressentiment... Il peut lire l’envie et la méchanceté dans les yeux de certains invités.
— J’ai l’impression qu’il n’est pas très apprécié dans le coin, dit Luciani à voix basse.
— D’après ce qu’on raconte, confie le brigadier Favre à l’adjudant, quand il était jeune , il a eu des aventures avec beaucoup de filles du village. Il a brisé le coeur de la plupart d’entre elles. Et puis un beau jour, il a disparu, sans doute pour fuir la colère de leurs pères et de leurs frères...
≪ Peut-être que quelqu’un souhaite sa mort... ≫ pense Luciani.
— Il y a des jeunes qui lui ressemblent de façon assez surprenante, ajoute Favre. Les yeux bleus sont un signe évident. Dans ces vallees, peu de gens ont les yeux aussi bleus, si vous voyez ce que je veux dire...
— Je vois très bien, dit Luciani.
— Il ne faut jamais revenir sur les lieux du crime ! ajoute le brigadier en riant.
L’adjudant fronce les sourcils.
≪ C’est un bon gars, se-dit-il, mais son sens de l’humour laisse un peu à désirer...≫
— Nous sommes tous réunis ici, pour fêter le mariage de Delphine et de Julien..., commence Serge.
Il prend une dragée dans sa poche et la porte à la bouche. Le photographe lui demande de se rapprocher des maries. Serge se place près d’eux et poursuit son discours.
— Je voudrais porter un toast à ce merveilleux couple et à ... mon retour ! s’exclame-t-il.
Il a les joues rouges et il sourit. Le photographe prend une photo.
— Je dois vous avouer quelque chose... Si je suis revenu ici, c’est parce que...
Le photographe interrompt Serge : il veut prendre une photo de toute la famille avec la pièce montée. Quelqu’un prie Serge de continuer son discours.
— Eh bien, l’heure est venue pour moi de vous révéler que...
Mais, il n’a pas le temps de terminer sa phrase. Il commence à trembler, son corps se raidit et il finit par s’écrouler sur la table, mort.