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Bernard Guetta - Chasses à l'homme à Moscou | Текст песни

Les chroniques de France Inter.

Beaucoup de Russes les appellent élégamment les « culs noirs ». Venus soit des républiques caucasiennes de la Fédération de Russie soit d’anciennes républiques de l’URSS aujourd’hui indépendantes, ils sont citoyens russes ou autrefois soviétiques et ont trois choses en commun.

Ils n’ont rien de slave dans leur apparence physique. Ils sont musulmans, d’origine au moins puisque la religion toutes les religions, avaient beaucoup reculé durant les décennies communistes. Tous sont, en troisième lieu, attirés par la richesse de Moscou et les emplois qu’elle offre, notamment dans les entreprises de bâtiment et de nettoyage pour lesquelles rares sont les Russes à vouloir travailler.

Perçue comme étrangère même lorsqu’elle est indéniablement russe, toute une population d’immigrés de l’intérieur ou de « l’étranger proche », comme on désigne les anciennes républiques soviétiques, vit ainsi à Moscou où on les retrouve aussi sur les marchés de fruits et légumes frais qu’ils importent à grand frais des terres ensoleillées dont ils viennent.

Moscou est la New York de l’Est. Tout aussi cosmopolite que New York, elle abrite une foule de nationalités qui y ont été mêlées par l’Empire russe puis l’Union soviétique mais cette population-là n’y est pas bienvenue parce qu’elle est pauvre, basanée, en croissance régulière et qu’elle peuple, surtout, les barres d’immeubles de la banlieue moscovite où elle côtoie les plus pauvres des Russes dont leur seule présence augmente le ressentiment social.

Ils y sont regardés comme coupables de tout. Ils y constituent un parfait bouc émissaire pour des familles qui ne joignent pas les deux bouts dans un pays où les différences de revenus sont devenues spectaculaires et tout particulièrement visibles à Moscou. Si on les y appelle les « culs noirs », c’est qu’ils y sont aussi méprisés qu’haïs et lorsqu’un jeune Russe a été tué, jeudi, dans l’une de ces banlieues par un inconnu qui n’était pas, dit-on, d’apparence slave, des émeutes ont éclatées.

« La police les protège ». « La police ne fait rien contre eux », disaient les émeutiers qui, au cri de « la Russie aux Russes ! », se sont lancés samedi et dimanche, dans une véritable chasse à l’homme, détruisant les voitures et les commerces censés de ne pas appartenir à des Slaves.

Débordée, de connivence ou un peu des deux, la police a laissé faire et, hier, après avoir été reçu par Vladimir Poutine, le maire a ordonné des rafles massives – comment dire ? – de non-slaves, 1600 interpellations filmées et retransmises par les télévisions qui semblaient bien s’en féliciter.

Pour le Kremlin, il s’agissait là de se dédouaner avant de perdre le contrôle de la situation car la population, relayée par les forces d’opposition, par tous les courants de l’opposition, l’accuse non sans raisons d’attirer cette main d’œuvre à Moscou pour y remplir à bas prix les emplois vacants, de laisser la police s’enrichir en trafic de permis de séjour et de refuser d’imposer des visas aux ressortissants des anciennes républiques soviétiques parce que Vladimir Poutine voudrait remettre ces pays sur orbite russe.

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