Au chapitre six, Krishna trace la voie du dhyâna-yoga (en termes plus techniques, l’astânga-yoga ou « l’octuple sentier »), une forme de méditation destinée à maîtriser les sens et le mental pour focaliser son attention sur l’Âme Suprême – Paramâtmâ – forme de Krishna sise dans le cœur. Ayant affirmé l’importance de la maîtrise mentale (5-6), Krishna décrit le yogi ou spiritualiste qui y parvient (7-9). Il résume ensuite la méthodologie et le but ultime de l’astânga-yoga. Les postures assises, les exercices de respiration et la maîtrise du mental comme des sens culminent dans le samâdhi, la conscience établie dans l’Âme Suprême (10-19). Le yoga-yukta qui a atteint la perfection du yoga possède un mental ferme, absorbé dans le Suprême. Libéré, le mental serein, ses passions apaisées, il vit « un bonheur spirituel infini », demeurant imperturbable, même au cœur des pires difficultés. Telle est la vraie libération de toutes les souffrances nées du contact avec la matière (20-32).
Arjuna considère toutefois la pratique du yoga trop difficile : « Car le mental, ô Krishna, est fuyant, fébrile, puissant et tenace; le subjuguer me semble plus ardu que maîtriser le vent. » (33-34) Krishna répond qu’il est certes malaisé de dompter le mental, mais « qu’on y parvient cependant par une pratique constante et par le détachement. » (35)
Arjuna s’enquiert ensuite du sort du yogi qui abandonne avant d’atteindre la perfection (37-39). Krishna de répondre qu’une telle personne, renaissant au sein d’une famille riche, vertueuse ou de sages, reprend sa pratique et, après plusieurs naissances, atteint enfin la perfection (40-45).
La conclusion de ce sixième chapitre – et de l’entière première partie de la Bhagavad-Gîtâ – est énoncée dans les deux derniers versets : « Le yogi est plus haut que l’ascète, le philosophe et ceux qui aspirent aux fruits de leurs actes. En toutes circonstances, sois donc un yogi, ô Arjuna. Et de tous les yogis, celui qui, avec une foi totale, demeure toujours en Moi et M’adore en Me servant avec amour, celui-là est le plus grand, et M’est le plus intimement lié. » (46-47) Le yoga (l’union avec le Suprême) serait ainsi supérieur à l’ascèse (tapasya), l’action intéressée (karma) et l’empirisme (jñâna). Et de toutes les formes de yoga (karma-yoga, jñâna-yoga, astânga-yoga, hatha-yoga, râja-yoga...), le bhakti-yoga (le service de dévotion à Krishna) est dit être le sommet, l’apogée.