Le lieutenant [parlé] Avez-vous quelque chose à répondre?.. Parlez, j'attends!
Carmen, au lieu de répondre, se met à fredonner.
Carmen chantant Tra la, la, la, la, la, la, la, coupe-moi, brûle-moi, je ne te dirai rien! Tra la, la, la, la, la, la, la, je brave tout, le feu, le fer et le ciel même!
Le lieutenant [parlé] Ce ne sont pas des chansons que je te demande, c'est une réponse.
Carmen chantant Tra la, la, la, la, la, la, la, mon secret, je le garde et je le garde bien! Tra la, la, la, la, la, la, la, j'aime un autre et meurs en disant que je l'aime!
Le lieutenant [parlé] Ah! ah! nous le prenons sur ce ton-là!... à José Ce qui est sûr, n'est-ce pas, c'est qu'il y a eu des coups de couteau et que c'est elle qui les a donnés!
En ce moment, cinq ou six femmes à droite réussissent à forcer la ligne des factionnaires et se précipitent sur la scène en criant: ``Oui, oui, c'est elle!''... Une de ces femmes se trouve près de Carmen. Celle-ci lève la main et veut se jeter sur la femme. Don José arrête Carmen. Les soldats écartent les femmes et les repoussent cette fois tout à fait hors de la scène. Quelques sentinelles continuent à rester en vue gardant les abords de la place.
Le lieutenant [à Carmen; parlé] Eh! eh! Vous avez la main leste décidément. aux soldats Trouvez-moi une corde.
Moment de silence pendant lequel Carmen se remet à fredonner de la façon la plus impertinente en regardant l'officier.
Un Soldat apportant une corde; parlé Voilà, mon lieutenant.
Le lieutenant à don José; parlé Prenez, et attachez-moi ces deux jolis mains. Carmen, sans faire le moindre résistance, tend en souriant ses deux mains à Don José C'est dommage vraiment, car elle est gentille... Mais si gentille que vous soyez, vous n'en irez pas moins faire un tour à la prison. Vous pourrez y chanter vos chansons de bohémienne. Le porte-clefs vous dira ce qu'il en pense. Les mains de Carmen sont liées. On la fait asseoir sur un escabeau devant le corps-de-garde. Elle reste là, immobile, les yeux à terre. Je vais écrire l'ordre. à don José C'est vous qui la conduirez... Il sort. Scène X Carmen, Don José Un petit moment de silence. Carmen lève les yeux et regarde don José. Celui-ci se détourne, s'éloigne de quelques pas, puis revient à Carmen, qui le regarde toujours.
Dialogue
Carmen Où me conduirez-vous?
José A la prison, ma pauvre enfant...
Carmen Hélas! que deviendrai-je? Seigneur officier, ayez pitié de moi!... Vous êtes si jeune, si gentil!... José ne répond pas, s'éloigne et revient, toujours sous le regard de Carmen. Cette corde, comme vous l'avez serrée, cette corde... j'ai les poignets brisés.
José s'approchant de Carmen Si elle vous blesse, je puis le desserrer... Le lieutenant m'a dit de vous attacher les mains... il ne m'a pas dit... il desserre la corde
Carmen bas Laisse-moi m'échapper, je te donnerai un morceau de la bar lachi, une petite pierre qui te fera aimer de toutes les femmes.
José s'éloignant Nous ne sommes pas ici pour dire des balivernes... il faut aller à la prison. C'est la consigne, et il n'y a pas de remèdes.
Silence
Carmen Tout à l'heure vous avez dit: foi de Navarrais... vous êtes des Provinces?...
José Je suis d'Elizondo...
Carmen Et moi d'Etchalar...
José s'arrêtant D'Etchalar!... c'est à quatre heures d'Elizondo, Etchalar.
Carmen Oui, c'est là que je suis née... J'ai été emmenée par des Bohémiens à Séville. Je travaillais à la manufacture pour gagner de quoi retourner en Navarre, près de ma pauvre mère qui n'a que moi pour soutien... On m'a insultée parce que je ne s