La fleur que tu m'avais jetée dans ma prison m'était restée, flétrie et sèche, cette fleur gardait toujours sa douce odeur; et pendant des heures entières, sur mes yeux fermant mes paupières, de cette odeur je m' enivrais et dans la nuit je te voyais!
Je me prenais à te maudire, a te détester, à me dire: Pourquoi faut-il que le destin l' ait mise là sur mon chemin!
Puis, je m' accusais de blasphème, et je ne sentais en moi même qu'un seul désir, un seul espoir: Te revoir, Carmen, oui, te revoir!
Car tu n'avais eu qu'à paraître, qu'à jeter un regard sur moi, pour t'emparer de tout mon être, o ma Carmen! Et j'étais une chose à toi! Carmen, je t'aime!
Non, tu ne m'aimes pas, non, car si
tu m'aimais, La-bas, la-bas, tu me suivrais.
JOSE. Carmen.
CARMEN.
La has, la-bas dans la montagne, Sur ton cheval tu me prcmlrais, Et commc u brave a travers la
campagne, En croupe, tu m'emporterais.
JOSE. Carmen !
CARMEN.
La-bas, la-bas, si tu m'aimais. La-bas, la-bas, tu me suivrais. Point d'officier a qui tu doives obeir
Et point de retraite qui sonne Pour dire a 1'amoureux qu'il est temps de partir.
JOSE. Carmen !
CARMEN.
Le ciel ouvert, la vie errante,
Pour pays 1'univers, pour loi ta
volonte,
Et surtout la chose enivrante. La liberte! la liberte f La-bas, la-bas, si tu m'aimais, La-bas, la-bas, tu me suivrais.
JOSE (presque vaincu). Carmen !
CARMEN.
Oui, n'est-ce pas,
La-bas, la-bas, tu me suivras,
Tu m'aimes et tu me suivras.
JOSE (s'arrachant brusquement des bras de CARMEN ).
Non, je ne veux plus t'ecouter... Quitter mon drapeau... deserter... C'est la honte, c'est 1'iufamie. Je n'en veux pas!
CARMEN. Eh bien, parsl
JOSE. Carmen, je t'en prie...
CARMEN. Je ne t'aime plus, je te hais!
JOSE. Carmen!
CARMEN.
Adieu! mais adieu pour jamais.
JOSE. Eh bien, soit...adieu pour jamais.
(II va en courant jitsqu 'a la fiorte... Au moment on il y arrive, on frappc... JOSE s'arrcte, silence. On frappe encore.)