Un jour, la Mort, cette grande femme démoniaque M'invita dans sa fantastique demeure Depuis longtemps elle me guettait, m'épiait Usant de ses dons, de ses charmes magiques Elle cambrait sa croupe féline Fermait à demi ses paupières lourdes de sommeil Au-delà desquelles brillaient deux yeux de guet-apens Le souffle court, les lèvres entrouvertes Elle murmurait : viens chez moi, viens, viens Approche, viens t'enrouler dans mon repos Mon repos - repos - repos - l'éternel repos. Alors, coupant mon emblème -cordon-ombilical J'absorbais trois tubes de somnifère réparateur. Ainsi commença le tourbillon de la décadence Semblable à celui de la terre qui me portait Les gouvernements-tueurs étaient toujours en place Le napalm brûlait nos maisons et nos champs Les riches s'éclataient devant les classes laborieuses Partout ce n'était que tumulte, cris de guerre Je courais, cherchant à protéger les enfants Les enfants, merde, pourquoi faire des enfants Les écoles maternelles sautaient à la dynamite Les châteaux de cartes espagnols s'écroulaient Victimes de malformations congénitales Seuls restaient debouts, victorieux, Les Elysées, les Maisons-Blanches, les Kremlins Les crèmes caramel, les crèmes au chocolat - Dites-moi la Mort, Chère femme, Belle Mort Vous me serrez d'un peu trop près, trop fort Je ne suis pas vraiment lesbienne, savez-vous ? Vos bras qui m'encerclent gênent ma respiration Votre parfum me donne la nausée - Dites-moi la Mort, Chère femme, Belle Mort De ce côté-ci de l'au-delà Où se trouve le chemin de l'Amour - Sur terre, je refusais le mensonge, la vanité d'Etre Ici, les dactylographes tapent sur des bongos D'horribles rythmes qui foudroient mes entrailles - Dites-moi la Mort, Chère femme, Belle Mort Renvoyez-moi de ce côté-là de la Vie Je voudrais connaître l'amour de Pierre-le-Récalcitrant J'ai encore besoin de donner et de recevoir J'ai besoin de me battre pour un autre monde Je veux connaître l'An 01 dont parlaient nos amis Je veux encore monter des bonhommes de neige En hiver, sur les toits blancs des usines Je veux faire sauter les autoroutes Et me promener dans les hautes herbes des campagnes Je veux embrasser les garçons et les filles A pleine bouche, baiser leurs lèvres chaudes Je veux m'enivrer de la salive de mon amour Je veux aimer et mourir de mort-Naturelle Comme tout le monde, les deux pieds dans mes sabots - Redonnez-moi la Vie, la Mort, Belle Mort Et je vous ferai un enfant.