LES PAUVRES: Quand un jour est passé, il est passé pour rien. L'homme est aveugle et sourd aux peines de son prochain. Nous les pauvres, on sait d'avance Que demain et les jours qui vont suivre, Il n'y aura jamais pour nous qu'une différence: Un jour de moins à vivre!
Quand un jour est passé, il est passé sans joie. Il faut s'en retourner sous la pluie, dans le froid, Implorer le bourgeois qui t'ignore, Bien calfeutré dans son opulence, Et qui te jette une pièce et qui s'endort, En ayant bonne conscience!
Quand un jour est passé, un autre jour se lève. Il faudra bien qu'un jour, le malheur se mette en grève; Et qu'un ouragan éclate; et qu'il vienne enfin secouer le monde Pour nourrir de sa colère ceux qui ont tant d'arriérés de misère, Ceux qui n'ont jamais eu leur part De bonheur en retard.
CONTREMAÎTRE: Quand un jour est passé, on a que ce qu'on mérite; Les feignants auront rien à mettre dans la marmite.
OUVRIER 1: Il faut nourrir les marmots
OUVRIERS 1 ET 2: Qu'on a faits sans toujours les vouloir.
OUVRIER 2: Mais ça va tant qu'on a un boulot,
OUVRIÈRE 1: Un coup à boire!
OUVRIERS: Nous on a cette chance!
OUVRIÈRE 2: As-tu vu la sale gueule que tire le contremaître? Et ses mains baladeuses qui vous collent comme la poisse?
OUVRIÈRE 3: C'est la faute à Fantine qui veut rien lui permettre.
OUVRIÈRE 1: Ben, que ça lui plaise ou pas, va falloir qu'elle y passe!
OUVRIÈRE 4: Le patron, lui, ne sait pas que son chiourme est toujours en chaleur.
OUVRIÈRE 2: Si Fantine ne fait pas gaffe, y aura pas long Qu'il lui arrive un malheur.
OUVRIERS: Quand un jour est passé, on est plus vieux d'un jour. Et on gagne juste assez pour pas crier au se cours. Avant la soupe et le vin, Il faut payer le propriétaire Et gratter jusqu'à la fin Chaque miette de chaque sou d'un salaire, Dont il ne va rien à rester Quand un jour est passé.
FILLE D'USINE: Qu'est-ce que tu caches, ma jolie, de la sorte? Alors, Fantine, quelles sont les nouvelles? Oh!.. Chère Fantine, Cosette est très malade; Envoyez quarante francs ou la petite est morte!
FANTINE: Rends-moi ma lettre, mêle-toi de tes affaires. Toi qui as un mari qui ne te suffit plus. Occupe-toi de ta vie et laisse-moi la mienne. Qui êtes-vous pour me faire des leçons de vertu?
VALJEAN: Séparez-les, je vous l'ordonne, Je ne conduis pas un troupeau, C'est une usine que je mène. Allons, mesdames, reprenez-vous; Je suis le maire de cette ville, Je ne tolère pas ces querelles; Je vous charge de ramener l'ordre; Et que chacun fasse son travail!
CONTREMAÎTRE: Qui a déclenché cette pagaille?
FILLE D'USINE: Moi je n'y suis pour rien, tout ça c'est bien sa faute. Elle a une gosse qu'elle cache, on imagine pourquoi. Y a un homme qu'elle doit payer. Et on devine comment elle s'y prend, Pour se faire, n'est-ce pas ma poule! Des suppléments. Monsieur le maire appréciera!
FANTINE: Oui c'est vrai, j'ai une fille qui n'a que moi sur terre; Je l'ai donnée en garde pour pouvoir me placer. J'envoie tout ce que je gagne pour élever ma Cosette. Je suis une femme honnête, monsieur, vous comprenez!
OUVRIÈRES: Quand un jour est passé, on n'a que ce qu'on sème; Et la brebis galeuse contamine le troupeau. Pendant qu'on trime pour gagner notre pain, Elle se roule dans les lits des palaces; Il faut ch