Un rien de lumière Lueur éphémère Rampe encore sur terre Au long des boyaux La nuit tombe, tombe Apprêtant la tombe Et la mort en trombe Pour bien des héros
C'est l'heure indicible Où l'humaine cible Frissonne impassible Au fond de son cœur Et c'est l'heure obscure Où sous notre armure S'insinue, sûre, La main de la peur
Va, léger mécompte L'angoisse se dompte Et le sang remonte Orgueilleux et vif Un doigt sur la gâchette Le soldat furète Et par la nuit guette D'un œil attentif
Les canons rugissent Les balles ratissent Les abris gémissent Sous les coups du fer Et plus cela barde Et plus l'on bombarde Plus belle est la garde Au bord de l'Yser
Clarté fulgurante Fleur éblouissante Traînée sanglante Dans le ciel tout noir C'est une fusée Qui monte irisée De l'enfer lâchée Comme un feu d'espoir
Alors tout se fige Alors, ô prodige Par le seul prestige De cet œil ouvert Tous les nerfs se tendent Les armes se bandent Et les cœurs attendent L'holocauste offert
Mais le vent se lève Là-bas vers la grève Il assaille et crève Le manteau des cieux Des nues s'affaissent Puis se dépècent Des étoiles naissent En clignant des yeux
Et soudain, près d'elles De lugubres ailes Des ailes mortelles Passant vrombissant Quelques gothas passent Il passent, voraces Jalonnant sa trace De flaques de sang
Et le temps s'enroule Et la mort se saoule Du sang qui s'écoule En flots monstrueux Grisée de tumulte La Camarde exulte Et son geste insulte Aux plus valeureux
Elle arrive, lente, Lâche, patiente Immonde, démente Implacable hélas Et sa main fantasque Dédaignant le casque Glisse sous le masque Le poison des gaz
Enfin l'accalmie Une voix amie Une voix bénie S'élève soudain La gnasse taciturne Sent dans l'air nocturne Le clocher de Furnes Qui s'émeut, lointain
Il s'émeut et chante La chanson vivante L' heure de détente Du prochain éveil La nuit se lézarde L'aube naît blafarde Finie est la garde Voici le soleil