Les équipes du soir finissaient de rentrer Ce jour aurait dû être un jour comme les autres Le vingt-cinq février mille-neuf-cent-soixante-douze Aux portes de l'usine à Renault Billancourt Par centaines les tracs volaient de mains en mains Manif antiraciste ce soir, tous à Charonne Les chiens de garde ont aboyé Pierrot est tombé
Aucun gardien ne bouge quand Tramoni dégaine Pierrot est face à lui à quelques mètres à peine Il y a du soleil dans ses cheveux bouclés Et Tramoni le vise une première fois L'arme s'est enrayée, Pierrot n'a pas eu peur "Vas-y, tire !" Qu'il lui dit, l'autre tire en plein cœur L'équipe du matin sortait Pierrot est tombé
D'abord c'est le silence, impossible d'y croire Chacun reste immobile les yeux écarquillés À regarder Pierrot en sang sur le trottoir Et dans l'île Seguin, au cœur des ateliers Des ouvriers en pleurs traquent chefs et gardiens En entendant crier "V'là un Mao de moins" Les fachos sont en liberté Pierrot est tombé
Samedi quatre mars nous étions trois-cent-mille Des gens avec leurs mômes perchés sur leurs épaules Les poings et les drapeaux montaient vers le soleil Et les vieux retrouvaient le chant des partisans Leurs yeux laissaient couler des larmes de colère Tandis qu'ils emportaient leur frangin dans la terre Un ouvrier assassiné Pierrot Liberté