C'était un type phénoménal On l'avait surnommé le chacal Un grand aux épaules magnifiques L'air d'un sauvage un peu crâneur Il avait décroché mon cœur Comme ça, d'un p'tit rire ironique Le soir à l'heure de l'apéro Il s'amenait dans not' bistro Toujours tout seul, sans un copain En sifflotant un drôle de r'frain
Y se mettait au bout du comptoir Le regard perdu, comme sans rien voir J'attendais toujours qu'il me cause Qu'y remue un peu, qu'y fasse quèque chose Mais il restait indifférent En sifflotant entre ses dents
Personne connaissait son boulot On en parlait derrière son dos On disait "Qu'est-ce qu'y manigance ?" Les hommes le r'gardaient par en dessous Les femmes lui faisaient les yeux doux Parfois, y avait de grands silences La peur montait dans les cerveaux "C'est p't-êt' un flic, ce gars costaud !" Mais lui souriait avec dédain Et leur crachait toujours son r'frain
Les mains dans les poches du veston Y semblait dire "Venez-y donc !" J'attendais toujours qu'il leur cause Qu'y remue un peu, qu'y fasse quèque chose Mais il restait indifférent En sifflotant entre ses dents
Et puis un soir qu'il f'sait très chaud Qu' les nerfs étaient à fleur de peau Et qu' ça sentait partout l'orage Comme il gueulait son sacré r'frain Un homme sur lui leva la main Alors il bondit, pris de rage Il s'est battu sans dire un mot Mais eux, les lâches, ils étaient trop Alors, bien sûr, j' l'ai vu tomber Et là seulement, il a parlé
"Oh, chacal ! je crois que c'est fini" Il était là, couché su' l' dos Jamais je ne l'avais vu si beau Il avait froid, comme de la fièvre Mais j'ai voulu goûter ses lèvres Au moins une fois car je l'aimais On a jamais su ce qu'y cherchait Plus de chacal, c'était fini !