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Eric-Emmanuel Schmitt - Chapitre 8 (suite) | Текст песни

Le vendredi soir, nous allâmes au lieu du rendez-vous, une crique sauvage non loin du port. Lorsque je vis l’exiguïté de la barque et le nombre de candidats sur les rochers, je crus à une erreur.
— Boub, dépêche-toi, poussons-nous devant, nous sommes trop nombreux, les passeurs vont être obligés de sélectionner.
Boub joua des coudes, nous arrivâmes parmi les dix premiers pour tendre notre argent aux hommes patibulaires qui organisaient l’expédition, puis sautâmes dans l’esquif. De façon inattendue, je ne me sentis rassuré qu’après avoir quitté le sol ferme.
Cependant les embarquements se poursuivaient.
De plus en plus à l’étroit, les clandestins tassés sur les bancs protestèrent, puis insultèrent ceux de la terre ; ceux-là répondirent avec autant de violence. Le bois craqua. Pendant cette joute verbale, les malabars, réguliers, calmes, inexorables, aidaient leurs clients à monter. Au fur et à mesure, la coque s’enfonçait davantage dans les flots.
Avant que le dernier ne s’installât, nous avions compris que nous effectuerions le voyage à cinquante sur une barque conçue pour dix. Nous avions presque honte d’avoir osé protester.
La tête basse, j’accrochai mes doigts crispés au rebord. Ainsi, je ne devrais pas seulement supporter la mer, mais la promiscuité. Cela augurait mal de la traversée.
— Tu vois, Boub, dans cet espace, on n’est pas plus serrés que les fans des Sirènes pendant leur concert, mais ça fait un autre effet.
— T’inquiète pas, Saad, gémit Boub.
Lors de sa réponse, je sentis une odeur fétide.
— En plus, ça pue, dis-je pour rire. Tu nous prends des billets au tarif business et ça pue !
— C’est moi, Saad, qui pue. J’ai peur.
Je jouai des épaules pour me trouver face à lui ; sous la lumière de la lune, je n’aperçus que ses yeux effrayés, les gouttes qui ruisselaient de son front, et je reçus sur la figure son souffle chargé, rendu plus lourd, plus acide par l’angoisse.
— Tu n’aimes pas l’eau, Boub ?
— Je ne sais pas nager.
Le voyant si paniqué, je cessai de penser à moi, à mes appréhensions, et je m’attachai à le soulager.
— Pourquoi nager ? Je ne crois pas que tu aies besoin de te mettre à l’eau pour nous pousser. J’ai vu un moteur et ça sent furieusement le gasoil.
— Le gasoil ? Si on ne coule pas, on peut prendre feu !
— Oui, on pourrait même réussir les deux : griller d’abord, puis noyer nos cendres. Joli méchoui pour les poissons. Ça te va, comme programme ?
Le bateau démarra.
Cette nuit-là, je m’obligeai à me raisonner : ne pas vomir, ne pas perdre connaissance, m’occuper de Boub qui tremblait comme une feuille. À force de lui expliquer que la navigation se déroulait au mieux, que cette embarcation fonctionnait à merveille, je finis par m’en convaincre.
Bien sûr, pas question de dormir, car nous n’avions pas la place de tenir debout sans recevoir trois bras dans les côtes, encore moins celle de nous allonger.
À l’aube, je discernai mieux quel étrange convoi nous formions : beaucoup de Noirs – femmes, hommes, enfants –, pour la plupart des Bangladais, ainsi que quelques Égyptiens venant de Zagazig, au delta du Nil. Tous – ou presque – redoutaient la mer et l’eau. Tous souffraient déjà de soif et de faim. Et à mesure que le soleil gagnait le zénith, tous commencèrent à redouter la chaleur.
Indifférent aux cris, aux craintes, aux menaces, le marin fixait l’horizon et maintenait son rythme de croisière.
Au milieu de l’après-midi, une voix cria :
— Là-bas ! Là-bas ! Il y a quelqu’un.
Abandonnant son mutisme et sa rigidité, le marin demanda des précisions et se dirigea vers le point.
Nous disting

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