J'AVAIS UN AMI (Paroles : non identifié / Musique : Erik Satie)
J'avais un ami, Dieu l'avait voulu, C'était la douceur unie à la grâce. Chez un pharmacien de première classe Il dulcifiait le calme tolu*.
Là, dans l'ombre il sucrait les potions amères D'un doigt occulte et seul loin des regards sévères. Son patron, qui savait aussi l'apprécier, L'avait surnommé le Grand Sucrier.
Il avait des yeux – il en avait deux, Mais ce n'étaient pas ceux de tout le monde. Ils étaient à lui comme sont à l'onde Les vagues d'azur et les poissons bleus.
Il avait un chapeau d'une forme très haute Qu'il mettait avec la superbe redingote Qu'on la lui avait fait cadeau avec l'étui. Il avait encore autre chose à lui.
Un soir il me dit : « Le sucre a baissé, Le patron renonce à mes bons services. Il attend, dit-il, des temps plus propices Quand la crise du sucre aura passé. »
Ensuite il prononça ces mots énigmatiques : « Le métier est foutu pour les diabétiques. » Il m'embrassa, puis il partit pour Châteauroux. J'avais un ami si tendre et si doux.
* Le \"tolu\" est un baume de Colombie utilisé en pharmacie pour ses propriétés pectorales.
La source principale de cette chanson sans titre inconnue jusqu'en 1985 est un manuscrit autographe d'Erik Satie ayant appartenu auparavant à Paulette Darty, la diva du music-hall. Quelques indications au crayon semblent prouver que Satie avait prévu d'ajouter deux strophes supplémentaires.
L'auteur des paroles ne peut être identifié avec certitude mais Steven Moore Whiting estime, d'après le manuscrit, qu'il pourrait s'agir du solitaire d'Arcueil lui-même.
PLAYLIST - Erik Satie : Œuvre Chronologique Intégrale (En cours): https://www.youtube.com/playlist?list=PLMBU9AhZpg6xnV5ZoGm-cOatzrMub8T_e