Poème De L'amour Et De La Mer 3 - La Mort De L'amour, op. 19
La mort de l'amour
Bientôt l'île bleue et joyeuse Parmi les rocs m'apparaîtra; L'île sur l'eau silencieuse Comme un nénuphar flottera.
A travers la mer d'améthyste Doucement glisse le bateau, Et je serai joyeux et triste De tant me souvenir bientôt!
Le vent roulait les feuilles mortes; Mes pensées Roulaient comme des feuilles mortes, Dans la nuit.
Jamais si doucement au ciel noir n'avaient lui Les mille roses d'or d'où tombent les rosées! Une danse effrayante, et les feuilles froissées, Et qui rendaient un son métallique, valsaient, Semblaient gémir sous les étoiles, et disaient L'inexprimable horreur des amours trépassés.
Les grands hêtres d'argent que la lune baisait Etaient des spectres: moi, tout mon sang se glaçait En voyant mon aimée étrangement sourire.
Comme des fronts de morts nos fronts avaient pâli, Et, muet, me penchant vers elle, je pus lire Ce mot fatal écrit dans ses grands yeux: l'oubli.
Le temps des lilas et le temps des roses Ne reviendra plus à ce printemps-ci; Le temps des lilas et le temps des roses Est passé, le temps des œillets aussi.
Le vent a changé, les cieux sont moroses, Et nous n'irons plus courir, et cueillir Les lilas en fleur et les belles roses; Le printemps est triste et ne peut fleurir.
Oh! joyeux et doux printemps de l'année, Qui vins, l'an passé, nous ensoleiller, Notre fleur d'amour est si bien fanée, Las! que ton baiser ne peut l'éveiller!
Et toi, que fais-tu? pas de fleurs écloses, Point de gai soleil ni d'ombrages frais; Le temps des lilas et le temps des roses Avec notre amour est mort à jamais.