Encore le même matin
Encore le même réveil
Seul dans les draps sales
Dans les draps sales / de mon sommeil
Encore rêvé de mes dents qui tombent
Cette fois-ci / il y avait aussi / des morceaux d’ongle
Du sang séché
L’autre fois j’ai vomi / du verre pilé
Je finirai par me les limer
Mais plus tard
Pour l’instant / je tâte ces dents / désunies par le tabac
Du bout de ces doigts / jaunis par le tabac
Je sens cette haleine / vieillie par le tabac
Sortie par ces lèvres / qui veulent plus rien avaler
Ou seulement / 2-3 fièvres / des canettes / et des peaux délavées
Dans ces nuits / en chien de fusil / quand mes os apparaissent translucides
Quand mon coeur / tape et perce / limpide
Contre ma peau
Encore les mêmes larmes et moi je me surprends
À les faire tomber / sur la cigarette qui diffuse
Je passe mon temps / à pleurer n’importe quand
Pleurer dans mon lit
Pleurer sur les chiottes
Pleurer sous la douche
Mais surtout pas devant les autres / non
Ce serait salaud
Il y a que les écrivains / qui savent rendre ça beau
Tout ce que je peux faire / c’est passer la journée / à brûler comme une braise
À brûler / comme une braise / le cul vissé sur ma chaise
À faire
Ces minables sourires / qui puent l’encens
Ces sourires jaunes d’arnaqueur / avec toujours ces dents
Et ces lèvres / sans couleurs
Et cette langue / si sèche / collée contre mon palais
J’arrive à peine / à sortir des râles
Je préfère encore / tordre mon visage pâle
Me racler la gorge et déglutir / dans la grille de l’évier
Mes crachats noirs / mes soupirs / et puis me regarder
Dans la glace
Me tâter la gueule
Me tâter les gencives
Je voudrais
Je voudrais / me casser la gueule / me casser les gencives
Pour secouer / le sac à geindre / que je suis
Si ça s’évapore / pour rejoindre le néant
Si ça devient tout / c’est le temps
Le temps seul / qui finit par le dire
Une relation c’est un potentiel laissé à l’avenir
Mais pour moi / le ciel / s’est posé comme un couvercle
D’un simple geste / elle a refermé / le cercle
Et tout ce qu’il me reste / c’est un empire de vent et de poussière
Où l’on ne sait pas rire / où l’on ne connaît / que la pierre
La ville / n’est qu’un charnier / peut-être une île / rien d’autre à faire
Que regarder se vider / à côté des autres / ses plaies et les fêlures de ses côtes
Mais pourquoi est-ce qu’il faudrait encore que je saigne ?
Je me sens déjà suffisamment vidé…
Il a fallu / qu’elle se souvienne / qu’elle ne m’aime plus
Le seul désir / qu’elle ma laissé
C’est de dormir avec mon frère
Tout ira bien / la douleur vient / la douleur passe
On y arrive
Même les déchets remontent à la surface
On se lève un matin / sans cette odeur rance / sans cette odeur d’encore
On se rend compte / que la souffrance / vaut toujours mieux que la mort
C’est moins définitif aussi
J’ai pas envie
J’ai pas envie / qu’on trace encore / le périmètre de ma vie
Il me reste / encore / quelques kilomètres et quelques envies
Je peux encore / m’en aller rouler / loin dans les fumées
Jusqu’a ce que la voûte devienne bleue
Et je peux encore choper des croûtes / me brûler les yeux
À mater le soleil décliner
Peut-être que tu le trouves moche
C’est vrai qu’on y trouve / que de la cendre / que de la roche
N’empêche qu’il me reste / encore / mon empire de vent et de poussière
Qui n’est pas à vendre / j’y suis roi / j’y dors
Et j’y suis tellement fier
Le cul posé dans le froid / sur mon trône de pierre
Même que je m’y balade / encore / libre et la bite à l’air
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