Ayant avec lui toujours fait bon ménage, J'eusse aimé célébrer, sans être inconvenant, Tendre corps féminin, ton plus bel apanage, Que tous ceux qui l'ont vu disent hallucinant.
C'eût été mon ultime chant mon chant du cygne, Mon dernier billet doux, mon message d'adieu. Or, malheureusement, les mots qui le désignent Le disputent à l'exécrable, à l'odieux.
C'est la grande pitié de la langue française, C'est son talon d'Achille et c'est son déshonneur, De n'offrir que des mots entachés de bassesse A cet incomparable instrument de bonheur.
Alors que tant de fleurs ont des noms poétiques, Tendre corps féminin, c'est fort malencontreux Que ta fleur la plus douce et la plus érotique Et la plus enivrante en ait de si scabreux.
Mais le pire de tous est un petit vocable De trois lettres, pas plus, familier, coutumier, Il est inexplicable, il est irrévocable, Honte à celui-là qui l'employa le premier.
Honte à celui-là qui, par dépit, par gageure, Dota du même terme, en son fiel venimeux, Ce grand ami de l'homme et la cinglante injure, Celui-là c'est probable, en était un fameux.
Misogyne à coup sûr, asexué sans doute, Au charme de Vénus absolument rétif, Était ce bougre qui, toute honte bue, Toute, fit ce rapprochement, d'ailleurs intempestif.
La male peste soit de cette homonymie ! Cest injuste, madame, et c'est désobligeant Que ce morceau de roi de votre anatomie Porte le même nom qu'une foule de gens.
Fasse le ciel qu'un jour, dans un trait de génie, Un poète inspiré, que Pégase soutient, Donne, effaçant d'un coup des siècles d'avanie, A cette vraie merveille un joli nom chrétien.
En attendant, madame, il semblerait dommage, Et vos adorateurs en seraient tous peinés, D'aller perdre de vue que, pour lui rendre hommage Ill est d'autres moyens et que je les connais, Et que je les connais.