Son front bleu et glace sous les flocons s'efface C'est la neige qui tombe et blanchit les surfaces Dans le silence lent qui s'etend dans l'espace Monte, des flaques d'eau, le craquement des glaces
Le craquement des glaces, berceuse de Francois Dans le ventre la faim; au coeur le desarroi Sous l'abri derisoire bati contre le froid Bati par desespoir avec des bouts de bois
Avec des bouts de bois qu'il avait ramasses Pour cacher par pudeur la mort d'un delaisse Sous le fragile ecran de branches entrelacees Que machinalement ses mains avaient dresse
Ses mains avaient dresse pour avoir une treve Le temps pour que sa vie avec la nuit s'acheve Le temps que l'air glace lui laisse au moins un reve Quelques secondes lentes, quelques images breves
Quelques images breves des annees passees Le clairon des conscrits, le depart pour l'armee L'ivresse dans le vin et du tabac roule Les boucles parfumees des filles rencontrees
Des filles rencontrees avec des bouches folles Des maux de son enfance a son cou le symbole Des eleves en vacances, la cour de son ecole Les tournants de saison d'ouvrier agricole
D'ouvrier agricole dans la plaine impassible Dans cette Beauce plate, etendue insensible La misere, isole, le retour impossible Enfin la mort ici, la mort simple et paisible
Simple et paisible comme un baiser ephemere Comme l'image calme apparue la derniere Un visage d'amour, le regard de sa mere Si beau, si doux, si clair, pale comme la lumiere
Comme la lumiere de l'aube sur ses pauvres cheveux Au matin, il gisait glace comme les cieux Le givre dur se cristallisait dans ses yeux Les flocons non fondus poses sur son front bleu