Tantot il vient timidement Telle une aube derriere les nues Comme va l'amble la jument Qui par sa bride est retenue Tantot la resistance est vaine C'est comme un philtre eblouissant Soudain repandu dans les veines Qui met l'incendie dans le sang Par lui le monde est a l'envers Le bouton c'est la fleur eclose On prend le rouge pour le vert Et pour la primevere la rose Il arrive qu'on pense vivre Sans savoir qu'on est deja mort On a des menottes de cuivre Qu'on prend pour des bracelets d'or
Parfois c'est un sourire d'enfant Aux yeux d'eau pure et de lumiere Parfois c'est le cri etouffant D'un enfant qui frappe son frere Celui-ci le demon le frole Mais lorsqu'on connait celui-la On veut l'asseoir sur ses epaules Pour lui faire sentir les lilas
Il vous transporte en un jardin Celui d'un lumineux domaine Ou paissent la biche et le daim Pres d'une chantante fontaine Mais souvent ce lieu de delices Ou le coeur sur l'arbre est grave N'est qu'un verger de malefices Ou l'on erre les yeux creves
Parfois il ressemble aux saisons C'est un ete de sortileges Puis sur sa belle floraison L'hiver etend son drap de neige Parfois aux saisons il ressemble On le croit fini et pourtant Tel un printemps parmi les trembles Il reverdit tout doucement C'est de l'amour que je parlais A la fois ouragan et brise Vin rouge melange au lait En meme temps nefle et cerise Regardez ce beau paysage Plein de douceur et d'infini Et voyez rouler les nuages Dans le ciel au dessus de lui