poème lyrique et symphonique, sur un texte de J. Sauvenière, Quatuor de solistes et chœur mixte
Introduction symphonique - Pierre Bartholomée
Dina BRYANT (Soprano) Andromede Zeger VANDERSTEENE (Tenor) Persee Philippe HUTTENLOCHER (Baryton) La Recitant Jules BASTIN (Basse) Une Voix CHOEUR SYMPHONIQUE DE NAMUR Choeur des Nereides (Chef des choeurs: Denis MENIER) Les Pretres d'Ammon
Premiere: 27 mars 1892, Verviers
PREMIÈRE PARTIE
RÉCITANT Et le monstre odieux va semant ses ravages d’un grand pays fertile il fait un long désert. Plus de ris... Plus de jeux... Plus de fête... Aux rivages, les cri des malheureux mourant d’avoir souff ert, les plaintes des guerriers, les sanglots des épouses, les pleurs de tes enfants, mère, que tu repousses.
LES ÉTHIOPIENS La mort nous a fauchés sans gloire en sa furie Qui donc rendra la vie À nos bras desséchés ? Ô morne Éthiopie ! En nos seins desséchés Maintenant s’est tarie La source de la vie Ainsi l’eau s’est fl étrie Aux fentes des rochers !
RÉCITANT Mais la trompe sacrée a sonné le réveil Annonçant aux échos les fêtes du Soleil... Solennel et pieux s’avance et se déroule, Vers les parvis d’Ammon, le cortège. Et la foule épuisée et tremblante envahit le saint lieu, Où parlera la voix des oracles du dieu.
LES PRÊTRES D’AMMON Ammon, principe de lumière, Dicte ta volonté. Quels morts sacrifi er à ta colère, Afi n d’arrêter sur ces bords Les ravages de la misère? Ammon, principe de lumière.
LES ÉTHIOPIENS Ammon! décide notre sort: Ou la délivrance ou la Mort!
ANDROMÈDE Parle! Révèle nous la volonté suprême! Dis nous si la nature a renié ses droits S’il n’est plus que la faim et la soif à la fois; Si la stérilité nous est un anathème à jamais réservé; Si l’amante à l’amant, Si l’enfant à sa mère ou la mère à l’enfant Ne se doivent plus rien, Si le doux mot: «Je t’aime!» Est honteux et banni; Si le blé que l’on sème Au sein des mornes champs, Foyer d’iniquité doit rester infertile. Oh! parle, Vérité, parle! Révèle-nous la volonté suprême! Est-il sacrifi ce à vaincre l’anathème?
RÉCITANT Éclate au même instant un formidable bruit; Le strident siffl ement de Gorgone, qui fuit l’ Hespéris et ses monts (sous le glaive infl exible du fi ls de Jupiter, de Persée invincible le vainqueur pressenti)... Le temple va crouler ! Au fond du Saint des Saints Le voile impénétrable dérobant aux regards le secret redoutable soudain s’est déchiré, Le Dieu donc va parler.
UNE VOIX À ce qui vous opprime il est un seul remède Livrer la cause au mal...
LES ÉTHIOPIENS Andromède! a mort! a mort! Au roc!
ANDROMÈDE Dieu sois-moi tutélaire: C’est un injuste sort. Arrête leur colère!
LES PRÊTRES D’AMMON Du dieu la volonté veut qu’au monstre on t’entraîne. Sur le roc qu’on l’enchaîne, Peuple! Dieu l’a dicté.
ANDROMÈDE Ô peuple, ma jeunesse, Cette fi ère beauté qui causait ton ivresse; Les doux espoirs d’amour en mon cœur endormis; Les destins qu’à ces charmes, la nature a promis Et mes yeux de leurs larmes, ne calmeront-ils pas la fougue qui l’enivre? Pitié pour ma jeunesse! Peuple! Prêtres! mes sœurs... Pitié! laissez-moi vivre.
LES PRÊTRES D’AMMON Le dieu même a parlé. ANDROMÈDE Non, ne me livrez pas à cet injuste sort Prêtres! Peuple! pitié! Non, non laissez-moi vivre!
SECONDE PARTIE
LE RÉCITANT L’oracle est satisfait : Le monstre a sa victime Plus belle en sa douleur qu’au matin de son crime victorieux. Le fer a dompté sa fi erté. Ses blonds cheveux épars voilent sa nudité défaillante. Mordant à la roche inhumaine, les bras tordus, crispés dans une attente vaine, que l’Espoir a déçue et que trahit l’amour. Andromède alanguie est vaincue à son tour.
ANDROMÈDE La mort! ne plus penser Jamais souff rir l’absence de l’Être De son être et vivre encor! Roseaux, hélas, pleurez! Ne plus espérer sa présence. Jamais plus ne se voir au miroir des ruisseaux! Sans connaître l’amour mourir! Pleurez, pleurez, roseaux! Ne reviendras-tu pas en ce péril extrême Toi, que ma lèvre implore, ô toi que mon cœur aime, Ne reviendras-tu pas? Le soleil un matin, femme m’a fait éclore, pour toi que mon cœur aime et que ma lèvre implore. Ne reviendras-tu pas? Mes yeux se sont usés à fouiller tout l’espace Leur paupière est ternie et se ferme... et se lasse. Ne reviendras-tu pas? La fl eur est sans soleil,... le ciel serti de glace. La nuit voile mon âme, un froid mortel me glace Ne reviendras-tu pas?
LES NÉREÏDES Brise la chaîne qui t’enlace; Reprends ta fi erté, ton audace! Nous avons devancé ses pas. Entends-tu ces accords de fête? Il vient comme un amant royal, Au joyeux festin nuptial. Voici ton époux qui s’apprête. N’est-ce pas un lit idéal que ce roc tapissé de mousse, Où l’implore une voix si douce. Brise la chaîne qui t’enlace; Reprends ta fi erté, ton audace! Ouvre les bras! Ne pleure pas.
ANDROMÈDE Bénis soient vos dédains! Bénis soient ces accords! Ils ont sauvé mes yeux de l’étreinte éternelle... Maintenant je l’ai vu! J’espère! Il vient!... Il vient!... son aile me protege.
PERSÉE Merveille! Ô suaves trésors dignes d’un Dieu Dans mon âme sereine a tressailli la fl amme souveraine! Dressez l’autel! . En ce jour solennel L’Amour arme mon bras pour abattre la haine! Que le monstre odieux au néant soit rendu.
LES FEMMES ÉTHIOPIENNES D’ors rayonnants le ciel s’innonde. Mes soeurs, voyez ces feux resplendissants. Entendez-vous ces étranges accents? Voici qu’Hymen bénit le monde.
LES ÉTHIOPIENS Honneur au vainqueur glorieux!
PERSÉE Le myrte fl eurira sur la branche du chêne! Hyménée apparait Ô femme ouvre les yeux. Le ciel pour nous river ainsi par une chaîne Sainte, En ce jour de lutte et de victoire, Ô femme veut que l’Amour Unisse ton âme à mon âme. Suivant l’ordre éternel Dressez, dressez l’autel! Ô femme ouvre les yeux: La terre est délivrée Et l’Amour est venu!
ANDROMÈDE Réveillez-vous mes yeux Hyménée! Hyménée! Au gré de mon désir Réveillez-vous mes yeux. Réveillez-vous mes yeux: La terre est délivrée et l’Amour est venu!
LES ÉTHIOPIENS Fier héros glorieux Honneur te soit rendu! Qu’Hymen comble tes vœux! Hymenée! Hyménée!