1976, année du dragon, devine qui débarque à Roubaix pour de bon ? Bibi ! Le B-Boy, un soir de pleine lune. La cigogne me parachute sans bagages, sans habits et sans thune. À c't'époque, Bob Marley dansait encore. Giscard perpétuait la peine de mort. Moi, j'étais c'qu'on appelait "un fils d'étranger". Comme disait Fernand Raynaud, "on venait manger l'pain des Français". Mon père était marchand de fruits et légumes, forain. Pour moi, c'était surtout le plus grand des plus grands comédiens. Il montait sur scène chaque jour, à six heures du mat. Il a jamais eu de César, il f'sait p'têt' pas assez d'audimat. Dans son costume, tablier bleu, casquette Derrière son étal, il nous f'sait son numéro d'claquettes. Son public, ses clients, kiffaient, un kilo d'tomates, le prix d'entrée.
Rien n'a changé depuis le jour où j'ai su parler. "Maman, steuplé ! Mets-moi un bon vieux Bob Marley !" Rien n'a changé depuis l'époque de la One Love Nation ! Peace, Unity, Love & Havin' Fun.
Mes super-héros d'enfance, Marvel Comics Renaissaient toujours de leurs cendres comme le phœnix. Captain America, plus fort que les méchants barbares, les Allemands Les Russes, les Indiens, les Arabes, les Chinois, les Noirs, les Japonais. Plus tard, adolescent, mon idole, c'était Malcolm X Lui qui avait défié l'Oncle Sam "by many means" Et Zebda chantait "ça va pas être possible". Moi, des boîtes de nuit, j'ai jamais connu qu'la porte et l'vigile. J'ai appris à écrire loin des bancs de l'école. À l'heure des cours de français, j'étais sur le terrain de basket-ball. On rêvait tous de s'appeler Michael Jordan. On y croyait dur comme fer, "I believe I can fly". Derrière chez moi, chaque soir, c'était la Coupe du Monde. "France-Algérie", "clandos-reste du monde". Des matchs de foot qui duraient cinq, six plombes. Pour qu'on s'arrête, il fallait au moins qu'la nuit tombe. On jouait là, au milieu des blocs. Là-haut, à la fenêtre, nos supporters de choc. Au début, les voisins trouvaient ça sympathique. Trois heures et trois carreaux cassés plus tard, ils appelaient les flics.
Rien n'a changé depuis le jour où j'ai su parler. "Maman, steuplé ! Mets-moi un bon vieux Bob Marley !" Rien n'a changé depuis l'époque de la One Love Nation ! Peace, Unity, Love & Havin' Fun.
Et v'là qu'un jour, le hip-hop débarque sur notre planète. À Roubaix, tous les mômes de mon âge sont tombés sur la tête. Break Dance, Thomas, moi, j'dansais comme un robot. Grande gueule, petits bras, j'ai plutôt choisi le micro. Raconter des histoires, c'est tout c'que j'savais faire. Sur le devant d'la scène, j'kiffais à m'la jouer gangster. Mon stylo-bille, mon revolver, mon micro Zarma, "un lance-missile nucléaire". Saltimbank, c'est devenu mon métier. J'en profite, conscient qu'ici-bas, on n'fait tous que passer. J'raconte c'que j'vois, j'vis c'que j'raconte Témoin d'une époque pas banale où seuls les résultats comptent. J'suis un chanteur, un comédien comme le daron. Tout finit comme ça a commencé, l'histoire a du bon ! Et quand ma tchote vient me voir en concert Ça m'rappelle