La nuit promet d'être belle Car voici qu'au fond du ciel Apparaît la lune rousse Saisis d'une sainte frousse, Tout le commun des mortels Croit voir le Diable a ses trousses
Valets volages et vulgaires, Ouvrez mon sarcophage Et vous pages pervers Courez au cimetière Prévenez de ma part mes amis nécrophages Que ce soir nous sommes attendus Dans les marécages.
Voici mon message:
"Cauchemars, fantômes et squelettes, Laissez flotter vos idées noires Près de la mare aux oubliettes, Tenue du suaire obligatoire."
Lutin, lucioles, feu-follets, Elfes, faunes et farfadets Ces frêles mais grand carnassiers, Une muse un peu dodue Me dit d'un air entendu: "Vous auriez pu vous raser" Comme je lui fais remarquer Deux, trois pendus Attablés Qui sont venus sans cravates "Haha, je vous ferai remarquer", Elle me lance un œil hagard Et vomit sans crier gare Quelques vipères écarlates.
Vampires éblouis par de lubriques vestales, Égéries insatiables chevauchant des valkyries, Infernal appétit de frénésies bacchanales Qui charme nos âmes envahies par la mélancolie.
Satyres joufflus, bouc émissaire, Gargouille émue, fière gorgone; Laissez ma couronne aux sorcières Et mes chimères a la licorne.
Soudain les arbres frissonnent Car Lucifer en personne Fait une courte apparition, L'air tellement accablé Qu'on lui donnerait volontiers Le bon dieu sans concession S'il ne laissait malicieux Courir le bout de sa queue Devant ses yeux maléfiques Et ne se dressait d'un bond Dans un concert de jurons Disant d'un ton pathétique:
"Que les damnés obscènes, Cyniques et corrompus Fassent griefs de leurs peines A ceux qu'ils ont élus Car devant tant de problèmes Et de malentendus, Les dieux et les diables en ont sont venus A douter d'eux mêmes"
Oh dédain suprême, Mais déjà le ciel blanchit, Esprits je vous remercie De m'avoir si bien reçu.
Cocher lugubre et bossu, Déposez-moi au manoir Et lâchez ce crucifix! Décrochez moi ces gousses d'ail Qui déshonorent mon portail Et me cherchez sans retard L'ami qui soigne et guérit La folie qui m'accompagne Et jamais ne m'as trahi: