Monsieur Paul, le professeur de ski, habite au milieu de la forêt, dans une jolie maison avec de grandes fenêtres et un beau jardin. Il n'y a pas de voisins, pas de route, pas de station de ski. Le village est à plus d'un kilomètre. Dans cette maison, c'est comme dans un livre, on est loin du reste du monde. Mais ce soir, il y a une fête chez monsieur Paul. On entend de la musique et quinze ou vingt voitures sont garées1 sur le chemin. C'est incroyable, tout le monde fait la fête à Modane, cette nuit ! Elsa frappe à la porte. Avec la musique, personne ne l'entend. « Monsieur Paul ! C'est moi, Elsa ! » Quelqu'un vient enfin mais ce n'est pas monsieur Paul, c'est Sénateur, le chien d'avalanche. « Sénateur, gentil chien, dit Elsa à travers la porte. Va chercher ton maître. » Le chien dit d'accord dans sa langue et une minute plus tard, la porte s'ouvre sur le professeur de ski. Monsieur Paul est beau comme un prince. Il est grand, il a des cheveux noirs, des yeux verts. Vingt ou vingt‐cinq ans et très sympa. Il sourit, il serre les mains. Zoé veut lui dire bonjour, bonsoir, elle cherche ses mots, elle est tout de suite sous le charme. « Vous venez à ma fête ? ‐ Votre fête ? Euh, non. C’est pour la montre de Zoé, elle est dans la neige et peut‐être que Sénateur... Vous comprenez ? ‐ Non. Mais ça ne fait rien. Entrez ! Bienvenue chez moi ! » Dans la maison, il y a des gens partout. Tout le monde danse. La seule personne sérieuse ici, c'est Sénateur. Le chien regarde la fête comme un vieux monsieur : il observe et il pense. C'est un très beau chien, très grand, très fort et très gentil. Il dit bonjour aux enfants, puis il va se coucher sous une table, un endroit où on ne va pas lui marcher sur la queue. Plus personne ne s'intéresse à la montre de Zoé. Zoé commence à être fatiguée : skier toute la journée, danser toute la nuit, elle a envie de dormir. Elle déteste les fêtes, elle déteste la montagne et les montagnards , elle est nulle, elle tombe toujours et elle ne comprend rien. Jamais elle ne va revenir à Modane. Elle veut rentrer dans sa famille, à Lyon. Elle veut retrouver sa chambre, ses affaires , son école, ses amis... Mais ce n'est pas vrai, Zoé ne déteste pas les fêtes. Elle commence à penser que la musique est très bonne ‐ le dernier CD de Grand Corps Malade ‐ et elle commence à trouver que monsieur Paul est très beau et que le monde entier est fantastique. Il est très tard mais elle ne sent plus sa fatigue... Petit à petit, la musique monte en elle, et elle danse, elle oublie l'heure, elle oublie sa montre, elle oublie le réveil à 7 heures 30 du matin. Elle danse avec monsieur Paul ‐ non, avec Paul. Parce qu'il ne veut pas qu'on l'appelle monsieur. Il trouve que ça fait école et devoir de classe. Ce soir, c'est la fête ! Il n'y a pas de monsieur ni de mademoiselle, il y a la danse et la musique ! Paul... Paul est beau et gentil. Il est un peu vieux ‐ 25 ans ! ‐ mais personne n'est parfait, et Zoé l'aime comme il est, avec ses yeux verts et ses larges épaules. Un sportif... Normalement, elle déteste les sportifs. Les sportifs sont comme Rémi : ils n'ont rien dans la tête, ils font toujours des blagues stupides et ils ne comprennent rien. Mais Paul, ce n'est pas pareil... Paul est un sportif très spécial, un sportif plein de charme, un prince sportif. Oui, c'est ça : c'est un prince dans une grande maison au milieu de la forêt, un prince charmant, et il n'a pas encore trouvé sa princesse. Comme il danse bien ! À une heure du matin, la musique s'arrête. « Tout le monde au lit ! dit Paul. Nous avons une longue journée de ski devant nous. Bonne nuit, les enfants ! ‐ Mais on est samedi ! dit Zoé. On ne va pas dormir maintenant, il n'est pas très tard ! ‐ Pas très tard ? Une heure du matin ?! Au lit, princesse, comme les autres ! Elsa, tu vas trouver le chemin pour rentrer au collège ? ‐ Oui, oui, pas de problème. Ce n'est pas loin. ‐ Faites attention ! La neige est un peu molle1 en ce moment. » Zoé regarde le jeune professeur de ski. Elle est toute rouge, elle n'arrive presque pas à parler. Princesse... Ses oreilles sont pleines de ce mot. Princesse, il pense que je suis une princesse... Est‐ce qu'ils vont se revoir ? « Euh... Paul ? ‐ Oui, Zoé ? ‐ Ma montre en or ? ‐ Ah oui, ta montre... Demain, j'y vais avec Sénateur, d'accord ? Maintenant il est trop tard, tu vas dormir. ‐ D'accord. Paul. Bonne nuit, Paul. À demain, Paul... »