On ne connaissait qu'lui dans tous les ateliers C'était l'meilleur chanteur des apprentis d'Belleville Quand une chanson d'concert traînaillait par la ville C'était toujours le môme qui la savait l'premier Des chansons populaires aux tons des chansonniers Il les achetait tous il en bourrait ses poches Puis venu le dimanche avec les autres gavroches Au concert du quartier fallait l'voir cavaler En son coeur ingénu le désir fou montait Et les feux de la rampe l'attiraient le brûlaient
Toi, tu finiras sur les planches Cabotin, cabotin, ça t'ira bien Lui répétaient chaque dimanche En sortant du concert tous ses copains Tu chantes si bien la romance Qu'un beau jour tu plaqueras l'boulot Et vas-y vieux t'en fais pas où va la chance Les planches, les planches, t'as ça dans la peau La la la la la la la la la la la la la
Et comme le râtelier prenait de jours en jours Dans le coeur des gamins un aspect de tristesse Que ce mot cabotin le poursuivait sans cesse Il quitta sans regret ses parents pour toujours Il chanta n'importe où dans les beugles en quartier Mesdames les débutants on n'les écoute guère Dans son rêve étoilé il oubliait sa mère Qui cachée dans un coin parfois v'nait l'écouter Un soir n'y tenant plus dehors elle attendit L'attirant doucement elle lui dit mon petit
Toi, tu finiras sur les planches Cabotin, cabotin, mon pauv' gamin En habit noir cravate blanche Y'en a dans comme toi qui crève de faim Viens refaisons notre existence Près du père tout trois ce s'ra si beau Ah tu dis ouais tu reviens quelle chance Les planches, les planches, n'auront pas ta peau La la la la la la la la la la la la la
Ainsi l'enfant prodigue s'en revint au bercail Son père lui dit alors veux-tu tenter la chance Monter un atelier nous trouv'rons les avances Le gosse ayant dit oui ils se mirent au travail Mais hélas dans son coeur la blessure était là Elle se rouvrit bientôt encore plus douloureuse Reprenant par à coup sa course aventureuse Vers l'irréalité un soir il retourna Aux siens il écrivit vous ne m'en voudrez plus Le jour où vous verrez que seul Dieu l'a voulu
Moi, je finirai sur les planches Cabotin, cabotin, ne craignez point Car le théâtre a ses revanches Il grandit toutes nos joies tous nos chagrins A l'heure de l'ultime romance Quand tomba pour toujours le rideau Je voudrais qu'on me crie recommence Mes planches, mes planches, j'vous laiss'rai ma peau La la la la la la la la la la la la la