Quand sa mère accoucha d'Léo C'était pour mourir aussitôt Dans les décombres d'un bistrot C'était la guerre Il a grandi on ne sait comment En s'inventant plein de mamans Des prostituées, des sans-argent La vraie misère
Comme il avait de l'aisance Et n'était pas idiot A son adolescence Il devint gigolo Dans le lit des femmes chics Il fit don de ses dons A vouloir trop de fric On finit en prison
Dans la pénombre d'un cachot On enferma le pauv'Léo Avec les brigands les salauds C'était l'hiver «Paraît qu't'étais un prostitué, Lui dit un gars dans sa chambrée, Tu vas pouvoir nous réchauffer Fais pas d'manières !"
N'ayant plus le moral Et voulant en finir En ouvrant un journal il lut : "Tu peut m'écrire Mon p'tit nom c'est Lila Toi tu es prisonnier Si tu veux écris-moi Je s'rais ta liberté
Il a fallu bien des années Avant que Léo soit relâché Mais un beau jour c'est terminé On le libère Il va pouvoir la rencontrer Celle qu'il appelle «ma Dulcinée» Il va la couvrir de baisers Il fait le fier
Il croise sur le trottoir Un cercueil de bois noir Salue les hommes en pleurs Et dérobe une fleur Il arrive excité Et frappe tout essoufflé Mais celle qu'il a aimé Il vient de la croiser
Dans ce petit appartement Y avait pas grand chose d'important Mais sur une table deux instruments Et une lettre «Mon p'tit Léo gâche pas ta vie, Fais ça pour moi je t'en supplie Prends cet archet et cette scie Deviens honnête »
Dans la rue il s'installe, Joue d'la scie musicale Mais il joue tellement mal Que même les sourds en parlent Les voisins excédés Par tant d'bonne volonté Un jour furent obligés De l'chasser du quartier
Et puis un jour dans les bistrots Qu'y s'passait rien de très nouveau On a pu lire dans les journaux Ce fait divers : «On a r'trouvé sous un camion Le corps d'un pauvre vagabond Les bras sciés et un archet C'est un mystère»
Si encore de nos jours On entend ce refrain C'est qu'du fond de sa cour Un jour, un musicien Sans s'en douter du reste Cherchant un air nouveau A écrit pour orchestre Les hurlements d'Léo !