Capitaine de Marie-Salope, D'un navire qu'est pas un navire, C't'un coup à voir les flots en flop Capitaine voudrait dire \"partir\". Oui mais la poubelle reste à l'estuaire, Et le marin rêve de braver le large, Pourtant \"hisse et ho!\" il sait, Rien à faire. Qui restera au port A devenir barge. Qu'est ce tu veux en faire d'un pareil navire? Pas de bois, d'épices, Mais d'la vase, des feuilles, C'est tout ce qu'on débarque, Cargaison de pire il partira pas De ce triste éceuil. Où s'en va sa tête Marin dérisoire qui veut plus personne? Tout seul et amer, et quand à l'amour, Le plus dur reste à boire, C'est sa seule idée du néant d'la mer.
Capitaine de Marie-Salope, En draguant les fonds, Touchant le fond voit Marie. Aux nuits interlopes Emerger de dans ses fanons La pauvre Marie sûr qu'il la connaît, C'tait pas un exploit de s'enticher d'elle. Elle avait choisi c'ui qui promettait, Un gars au long court qui la trouvait belle. Son marin Marie, elle l'avait dans la peau, Fallait la voir fière éclairer la ville! Mais il s'est barré, barré son bateau, Tâter de la fille dans quelques antilles. Depuis lors la douce était fille de port. Dans la rue qui glisse au pied du grand large, En vendant ses nuits, regardant la mort, Qu'elle a rencontré cette nuit d'orage.
Capitaine de Marie-Salope, Voit l'amour dans ce corps sans vie. Un miracle pour ce misanthrope, La plus belle est venue jusqu'à lui. Sa tête embrumée aux embruns de Rhum, Fait des vagues de larmes qu'on croirait de joie. Ondine endormie, je serai ton homme, Je te garderai tout auprès de moi. Sous le vent marie, sous le vent du nord, La prend dans ses bras et descend dans la cale D'la Marie-Salope Son amour, dort, et le tonneau de taf D'une lointaine escale sera son repos. Il la plonge, l'enlace, et puis s'émerveille, Ses cheveux s'envolent, flottants, Algues vertes, prairie des sargasses, Voila sa revanche! Une passion folle.
Capitaine de Marie-Salope, Et sa belle morte à peau d'ivoire Se retrouvent quand le Rhum s'écope, Tous les soirs il s'en vient la boire. Et là de longues heures parle à son amour, De ce que toujours il l'avait voulue, De son triste sort, marin au p'tit court, De la seule mort, celle quand on s'aime plus. Pourtant, que peut faire la plus belle des mortes Pour changer la vie sans vie du marin? Lui s'en doutait bien, et des lices fortes Seul le réconfortent le tafia et...rien. Il vide le tonneau, Marie, déconfite S'en va pour de bon et le capitaine Fracassé délire, l'amour prend la fuite Et sa tête aussi en buvant sa peine,
Capitaine de Marie-Salope Voit partir celle qu'il aima fort.