Quand j'entre chez eux Ça sent la famille Ils ont beau s'démener Avec leurs guenilles Frotter de leur mieux Jusqu'à c'que tout brille Ça sent le bébé Ça sent la p'tite fille
Ça sent la couche pleine Et le lait caillé Et même s'ils viennent De la nettoyer Même s'ils ont à peine Fini d'la poudrer Ben ça sent quand même Le nombril mouillé
Dès qu'j'passe leur porte Ça sent la petite Ça sent ce qu'elle rote Et c'qu'elle régurgite Même s'ils font brûler Comme des vieux hippies L'encens l'plus corsé Ça sent les Huggies
Même s'ils lavent et sèchent Les serviettes souillées Et qu'ils se dépêchent A tout bien ranger Il reste un arôme De table à langer Il reste un fantôme D'odeur de bébé
Y'a pas un savon Qui peut estomper Le fumet d'un bib'ron Qu'on fait réchauffer Ça sent les gencives Qui veulent pas s'percer Ça sent la salive Qui arrête pas d'couler
Quand j'entre chez eux Depuis quelques mois J'sais pas, c'est dégueu Ça sent l'pyjama Un parfum terrible Qui m'cueille et m'assaille Ça sent l'fruit d'entrailles Le p'tit crâne humide
Dès que je m'immisce Dedans leur bercail Ou bien la chose pisse Ou bien la chose braille Et sitôt qu'elle hurle Ça sent la mamelle Gercée qui éjacule Son jet maternel
Ils ont beau lui mettre La plus jolie robe C'est beau, mais j'regrette Ça sent les microbes Et même s'ils parfument Toute la maisonnée Ça sent le p'tit rhume Qui va s'propager
Dès que j'passe leur porte Ça sent à plein pif Les nuits en compote Des parents captifs Ces heures en purée Que le bébé mange Pour mieux déféquer Pour mieux qu'on le change
Ils sont prisonniers De leur créature Dès qu'y m'voient entrer Là, par l'embrasure D'leur porte plantée Entre elle et l'air pur Y m'prient de rester Et ils me capturent
Y prennent mon manteau Et l'font disparaître A l'étage d'en haut Dans la chambre des maîtres Ensuite, ils me guident Vers le berceau d'bois Et l'ange m'envoie Son halo fétide
Puis, ça y est, leurs voix S'élèvent, suppliantes " Prends-là dans tes bras " Et ils me la tendent Dès que j'la saisis Elle s'raidit, elle louche Elle force, elle rougit Elle remplit sa couche
Comble de malheur C'était pas étanche Je sens une chaleur Traverser ma manche Je porte la fragrance De l'incontinence Ça s'accroche aux poils D'mes parois nasales
Ça sent l'bébé sale Enfariné d'talc Ça sent le poulet cru En train d'mariner Dans son propre jus Sa sauce fécale Ça sent l'p'tit Jésus Qui a sali sa paille
Ça y est, j'ai l'chandail Qui sent la cuvette Y faut que j'm'en aille Que j'batte en retraite
J'ai l'coeur dans la gorge Je cherche un mot tendre Je sais qu'ils attendent Que j'fonde en éloges Mais les bébés frais Chauves comme chev'lus On sait que c'est laid Autant que ça pue.