Une jeune fillette de noble coeur, Plaisante et joliette de grand' valeur, Outre son gre on l'a rendu' nonnette Cela point ne luy haicte dont vit en grand' douleur.
Vn soir apres complie seulette estoit, En grand melancolie se tourmentoit, Disant ainsi, douce Vierge Marie Abregez moy la vie, puisque mourir je doy.
Mon pauvre coeur souspire incessament, Aussi ma mort desire journellement. Qu'a mes parens ne puis mander n'escrire, Ma beaute fort empire, je vis en grand tourment.
Que ne m'a-t-on donnee a mon loyal amy, Qui tant m'a desiree aussi ay-je moy luy, Toute la nuict my tiendroit embrassee Me disant la pensee et moy la mienne a luy.
A Dieu vous dy mon pere, ma mere e mes parens, Qui m'avez voulu faire nonette en ce couvent, Ou il n'y a point de resjouissance, Je vis en desplaisance je n'attens que la mort.
La mort est fort cruelle a endurer, Combien qu'il faut par elle trestous passer. Encor'est plus grand mal que j'endure, Et la peine plus dure qu'il me faut supporter.
A Dieu vous dy les filles de mon pays, Puis qu'en cest' Abbaye me faut mourir, En attendant de mon Die la sentence, Je vy en esperance d'en avoir reconfort.