L’autre hier, cheminant le long du vieux sentier, Je parvins au cours d’eau qui fuit vers la savane. Le soleil déclinait, et l’horizon altier Alignait les sapins comme une caravane.
Évoquant le passé, je fis halte au vieux pont, Au vieux pont biscornu, plein de ronce et de mousse, Couché sur le ruisseau limpide et peu profond Que brouillèrent les pas de mon enfance douce.
Aux caresses du vent dont se plaint le roseau, Parfois un rossignol y turlute son trille. Et le vieux pont sommeille au-dessus du ruisseau, Dans l’ouragan des soirs comme au midi tranquille.
Serein, j’ai contemplé cette épave du temps Qui s’acharne sur nous, avec des airs moroses; Et moi j’ai ressenti la cruauté des ans, Qui ne respecte pas la misère des choses
J’ai vu des moissonneurs avec leurs gerbes d’or, Qui revenaient joyeux d’esperance secrète… Les aïeux sont partis, mais leurs enfants encor Traversent le vieux pont dans leur rude charrette.
Et je songe à ceux-là que je n’ai pas connus, Aux grands-parents absents, abimés sous la terre : Eux qui chantaient : Le temps passé ne revient plus, Me rappelant qu’un jour, hélas ! il faut nous taire !