— On ne les connait pas, ces gens à rudes noeuds Ils ont le mal de mer sur vos planchers à boeufs A terre — oiseaux palmés — ils sonts gauches et veules. Ils sont mal culottés comme leur brûle-gueule. Quand les roulis leur manque... il se sentent rouler: — A terre, on a beau boir, on ne peut dessoûler! — Eux ils sont matelot — A travers les tortures, Les luttes, les dangers, les larges avantures, Leur face-à-coup-de-hache a pris un tic nerveux D'insouciant dédain pour ce qui n'est pas Eux C'est qu'il se sentent, ces chiens! Ce sont des mâles! — Eux : l'océan !— et vous : lest plates-bandes sales.
Eux sont les vieux-de-cale et les frères la côte, Gens au coeur sul la main et toujours la main haute Des natures en barre! — Et capable de tout... — Faites-en donc autant!... Ils sont de mauvais goût. — Peut-être... Ils ont chez vous des amours tolérées Par un grippe-Jésus accueillant leurs entrées... Ces anges mal léchés, ces durs enfants perdus, Leur tête a du requin et du petit-Jésus. Ils aiment à tout crin, ils aiment plaie et bosse; La Bonne Vierge, avec le gendarme qu'on rosse; Ils font des voeux à tout... Mais leur voeu caressé A toujours l'habit bleu d'un Jésus-Crist rossé.
— Ils ont toujours, pour leur bonne-femme de mère, Une larme d'enfant, ces héros de misère; Pour leur Douce-Jolie, une larme d'amour!... Au pays — loin — ils ont, espérant leur retour, Ces gens de cuivre rouge, une pâle fiancée Que, pour la mer jolie, un jour ils ont laissée. Elle attend vaguement... Comme on attend là-bas Eux, ils portent son nom tatoué sur leur bras. Peut-être elle sera veuve avant que d' être épouse... Car la mer est bien grande et la mer est jalouse, Mais elle sera fière, à travers un sanglot, De pouvoir dire encore : — Il était matelot!...