Au Criterion Bar, après la débine, J'faisais la barmaid por les Norvégiens. Les gars de cargos m'appelaient leur frangine, Je gagnais dix bobs en un tournemain. Après le bisness sur le quai des brumes Et la rue Grand Pont, c'était l'Chabanais. On m'appelait Nelly, et l'passé se rallume Aufin que je puisse distinguer tes traits
Tu venais me cercher dans la lumière blême D'un sale petit jour sans sèches et sans blé. On rentrait se coucher le ventre en carême Dans ma chambre meublée, rue des Cordeliers. Je pouvais dormir en m'fichant d'l'ardoise Ma bouche entrouverte souriat au plaisir. La vie n'est très belle que pour les bourgeoises, Le meilleur du lot, c'est pour le souvenir.
Quand tu t'es taillé de Rouen et d'ses fêtes Pour jouer au griveton, dans l'camp d'Mourmelon, Je t'ai dis adieu en tournant la tête Et je t'ai donné ma bénédiction. On a pris pour ça la der des dernières Cuites au Bar Nielsen, rue d'la Vicomté. Puis d'fil en aiguille, fallu fair la guerre Une fluer au fusil, des ampoules aux pieds.
J'ai dans le mémoire une chanson qui bouge Les noms des patelins où t'as dérouillé: Carency, Ablain, le Cabaret Rouge, La route de Bapaume où tu es resté. J'ai bien fait d'éteindre ma lanterne magique Qui déroule l'film de tes vingt deux ans Quand j'm'appelais Nelly, comne sur l'ancien disque D'avant ton départ pour la régiment.