Vivre d’amour, c’est donner sans mesure, Sans réclamer de salaire ici-bas ; Ah ! Sans compter je donne, étant bien sûre Que lorsqu’on aime on ne calcule pas. Au Cœur divin, débordant de tendresse, J’ai tout donné ! Légèrement je cours… Je n’ai plus rien que ma seule richesse : Vivre d’amour !
Vivre d’amour, c’est bannir toute crainte, Tout souvenir des fautes du passé. De mes péchés je ne vois nulle empreinte, En un instant l’amour a tout brûlé Flamme divine, ô très douce fournaise, En ton foyer je fixe mon séjour ; C’est dans tes feux que je chante à mon aise : Je vis d’amour !
Vivre d’amour, c’est garder en soi-même Un grand trésor en un vase mortel. Mon Bien-aimé! Ma faiblesse est extrême! Ah ! Je suis loin d’être un ange du ciel. Mais, si je tombe à chaque heure qui passe, Me relevant tu viens à mon secours, À chaque instant, tu me donnes ta grâce, Je vis d’amour !
Vivre d'amour, c'est naviguer sans cesse, Semant la paix et la joie dans les cœurs ; Pilote aimé ! La charité me presse, Car je te vois dans les âmes, mes sœurs. La charité, voilà ma seule étoile : À sa clarté, je vogue sans détour ; J'ai ma devise écrite sur ma voile : «Vivre d'amour !»
«Vivre d'amour, quelle étrange folie ! Me dit le monde, ah ! Cessez de chanter ; Ne perdez pas vos parfums, votre vie ; Utilement, sachez les employer !»
À des amants, il faut la solitude, Un cœur à cœur qui dure nuit et jour ; Ton seul regard fait ma béatitude, Je meurs d'amour !
Mourir d'amour, voilà mon espérance ! Quand je verrai se briser mes liens, Mon Dieu sera ma grande récompense ; Je ne veux point posséder d’autres biens. De son amour je veux être embrasée ; Je veux le voir m’unir à lui toujours ! Voilà mon ciel, voilà ma destinée : Vivre d’amour !...
Texte tiré de la version originale du poème « Vivre d’amour » écrit par Thérèse le 26 février 1895 pendant les trois jours précédents le mercredi des Cendres de 1895. Source : archives du Carmel de Lisieux : www.archives-carmel-lisieux.fr