Mon père est un homme de bien Il possède des magasins D'objets noirs et de choses carrées Il est sujet aux rhumes en été Le dimanche avec des amis Il fait des parties de rami Ils boivent le vermouth et la bière En parlant de Madame Robert
Et moi, je suis l'affreux Jojo Le boit-sans-soif, le téméraire Je fréquente des vétérinaires Qui viennent de la ville d'Oslo Je me déguise en clergyman Abominablement barbu Pour faire de l'élevage de tortues Je prends pension chez une vieille dame
Ma mère est une femme infléxible La forte femme de la Bible Elle a des robes en coton noir Qu'elle range dans son armoire Elle fait des pâtes et des gâteaux Elle me tricote des tricots Elle n'aime pas Madame Robert Elle a toujours été trop fière
Et moi, je suis l'affreux Jojo Je sors la nuit sans waterproof Je compose un opéra bouffe Sur la bataille de Waterloo Je lis mon journal dans le tramway Je trouve le métro détestable Je pilote des dirigeables Sur la ligne Abidjan-Sydney
Mon frère n'aime pas les épinards Et c'est heureux pour mon frère, car S'il les aimait, il en mangerait Et il ne peut pas les supporter Il est de nature studieuse Opiniâtre et méticuleuse Mais il ne s'intéresse guère Au cas de Madame Robert
Et moi, je suis l'affreux Jojo Préposé aux chevaux-vapeur De l'École Anormale Inférieure Où je fus abrégé de philo Je connais le veilleur de nuit D'un magasin d'iniquités Il confectionne des objets En s'éclairant à la bougie
Ma grand-mère est octogénaire Elle aime cultiver la terre Elle coupe de l'herbe, elle plante des pieux Elle est contente quand il pleut Son beau-frère avait un cousin Qui connaissait un Autrichien Dont la sœur, petite couturière Avait connu Madame Robert
Et moi je suis l'affreux Jojo Le dynamiteur, l'exécrable Je mets les coudes sur la table En parlant je dis des gros mots Je collectionne les conifères Les escargots, les parapluies Les papyrus hindoustanis Et je connais Madame Robert