Tu grilles clope sur clope, affalé sur la table Encombrée de bouteilles, de bouffe et de courrier Tu penses en faisant défiler cette vie lamentable Qu'après tout la vie c'est qu'un mauvais moment à passer Le regard un peu trouble et la tête un peu vague Tu te traînes péniblement jusqu'à la fenêtre Et tu commences à observer le dédale maussade Des voies ferrées rouillées Et des cheminées qui s'enchevêtrent
Plus rien à perdre, encore moins à gagner... Se dire qu'après tout on passe sa vie à crever Plus rien à perdre, encore moins à gagner... A part un court sursis le temps de s'apitoyer Plus rien à perdre, encore moins à gagner... Que des ciels sombres qui n'en finissent pas de descendre Plus rien à perdre, encore moins à gagner... Que cette panique froide des soirées de Novembre
Combien d'après-midi, lorsque le jour ternit (après-midi invariable !) T'as pu passer comme ça à regarder les rails, Les trains de marchandises qui se croisent sous la pluie Et puis vont s'enfoncer dans des déserts de grisaille A te dire que c'est rien d'autre qu'un peu de mauvaise humeur Cette angoisse glaciale qui court dans tes veines Pourtant jour après jour, pourtant heure après heure Tu sens grandir en toi cette terreur malsaine
Tu sens que tes mains tremblent et que tes nerfs frissonnent Ce labyrinthe d'acier te donne le vertige Tes dernières illusions se dissolvent dans l'Automne Et déjà tu imagines tes membres qui se figent Une existence perdue en trop longs coups de cafards En malaises passagers qui durent toute une vie En errance fébriles sur les grands boulevards En Dimanches éternels qui se perdent dans le gris