Ayant vendu un soir de spleen mon âme au Diable Je trouvai l'acquéreur fort courtois et discret Mais bien vite épuisé par le fardeau infâme Il revint, m'implorant de la récupérer "Trop pourrie, me dit-il, et trop neurasthénique Pour la fondre aux fourneaux du Mal universel Trop de crimes foireux ou de maux illogiques Sortiraient d'un creuset plein d'une âme pareille!"
Ses haussements d'épaules, ses yeux désolés Montraient bien que le bougre était triste et sincère Et peu habitué à voir ses obligés Pour leur rendre, penaud, son vieux butin de guerre! Sa figure défaite et gênée me fit peine Et je lui offris un siège à ma mauvaise table "Allons mon vieux, courage, la bouteille est pleine Brûle-t-y le gosier jusqu'à la régalade
Rien qui puisse te mettre en un pareil tourment Une âme ça vaut pas qu'on se mine pour elle Une âme ça s'achète, et se perd, et se vend J'aurai bien un pigeon pour marchander icelle!" Alors, un peu confus, il m'indiqua l'adresse D'un parent, disait-il, à qui la refiler "Allez donc voir ma tante, la vieille bougresse Achète un peu de tout, mais à prix d'usurier "
C'est ainsi que j'appris que le Mont-de-piété Avait comme neveu le prince des Enfers Avec, qui, par ailleurs, je liai amitié Ayant enfin conclu la fastidieuse affaire!