"Il est 16h, tombe le soleil c’est l’heure Du Picon Jenlain-ambrée vermeille. J’pars en rodéo, cerveau cambré, J’allume ma stéréo, BM à fond toute la nuit j’veille… Toutes les nuits j’veille A la Chaise-Dyable.
A la Chaise-Dyable L’air des cimes est une dope plus hardcore que l’plus fort des psychotropes. A la Chaise-Dyable Le souffle des forêts vient froid’ment se fourrer dans les faubourgs Et mugit comme un diable, rebondit contre l’abbaye – forteresse impénétrable – Où des moines insoumis et sauvages se vêtent comme des corbeaux Et ont des trognes toutes droit sorties du Moyen-Âge.
En bas d’chez moi y a la vallée d’la Senouire. Les vieux m’demandent pourquoi je me suis installé ici. Je leur dis qu’j’aime les paysages. Ils me répondent : vous aimez les fantômes ?
Plus tard à 23h j’entends le bruit d’un tracteur, je jette un œil par la fenêtre : c’est l’vieux qui laboure comme un reître
Dans les vallons du non-être
Et j’mesure à quel point ce solitaire, tous ces solitaires, doivent ployer sous le poids de tous ces soirs patibulaires.
Je me souviens que juste derrière chez moi, la ferme vide est celle de deux suicidés et que l’aut’ voisin plus haut là, a racheté la ferme d’un pendu aussi. Et j’me mets à bader
Songeant à tous ces villages dont l’cimetière est plus grand que l’village, et dont le monument aux morts a plus de noms que d’habitants.
J’pense à ma vie ce roman noir écrit par un sado Où j’y vois clair comme dans un glory hole Puis j’ai des sueurs chaudes, un lumbago J’transpire des auréoles De larmes d’alcool.
Je me souviens de la haine Quand j’étais fou, de quand j’vivais Et puis des nuits casadéennes Lorsque j’ai pris plus de plaisir à boire Qu’à baiser. Je voulais être survivaliste moi Mais comme la peine est ma reine J’aurai fini mouriraliste Un trou du cul blasé Dans un trou boisé…
Quand j’suis arrivé là y’avait un Christ dans l’grenier Sur ma guitare jl’ai foutu Retourné. Je deviens dingue ou quoi, le croiras-tu ? Mais dans un bon français narquois Voilà que cette statue Me crie à tête-tue :
« Allez, t’as tué personne Attends qu’ta fin sonne Cette vie c’était ton châtiment Et gentiment T’as purgé ta peine.
Allez, t’as tué personne Que ton foie t’abandonne Cette vie t’a nargué comme une hyène Mais calmement T’as mangé ta haine. »
Et calmement, j’ai mangé ma haine. Et calmement, J’AI MANGÉ MA HAINE."