Chez la jolie Rosette au café du canal, Sur le tronc du tilleul qui ombrageait le bal, On pouvait lire sous deux coeurs entrelacés "Ici on peut apporter ses baisers". Moi, mes baisers je les avais perdus, Et je croyais déjà avoir tout embrassé, Mais je ne savais pas que tu étais venue, Et que ta bouche neuve en était tapissée.
La chance jusqu'ici ne m'avait pas souri, Sur mon berceau les fées se penchaient pas beaucoup, Et chaque fois que j'tombais dans un carré d'orties, Y avait une guêpe qui me piquait dans le cou. Pourtant ma chance aujourd'hui elle est là, Sous la tonnelle verte de tes cils courbés, Quand tu m'as regardé pour la première fois, Ma vieille liberté s'est mise à tituber.
On était seul au monde dans ce bal populeux, Et dans une seule main j'emprisonnais ta taille, Tes seins poussaient les plis de ton corsage bleu, Ils ont bien failli gagner la bataille. J'aime le ciel parce qu'il est dans tes yeux, J'aime l'oiseau parce qu'il sait ton nom, J'aime ton rire et tous ces mots curieux, Que tu viens murmurer au col de mon veston.
Et je revois tes mains croisées sur ta poitrine, Tes habits jetés sur une chaise au pied du lit, Ton pauvre coeur faisait des petits bonds de sardine, Quand j'ai posé ma tête contre lui. Dieu, tu remercies Dieu ça c'est de toi; Mais mon amour pour toi est autrement plus fort; Est-ce que Dieu aurait pu dormir auprès de toi Pendant toute une nuit sans toucher à ton corps?
Chez la jolie Rosette au café du canal, Sur le tronc du tilleul qui ombrageait le bal, On pouvait lire sous deux coeurs entrelacés "Ici on peut apporter ses baisers".