Si vous la rencontrez bizarrement parée Traînant dans le ruisseau un talon déchaussé Et la tête et l'oeil bas comme un pigeon blessé Monsieur, ne crachez pas de juron ni d'ordure Au visage fardé de cette pauvre impure Que déesse famine a par un soir d'hiver Contraint à relever ses jupons en plein air Cette bohème-là, c'est mon bien, ma richesse Ma perle, mon bijou, ma reine, ma duchesse... (Charles Baudelaire)
La femme qui est dans mon lit N'a plus vingt ans depuis longtemps Les yeux cernés Par les années Par les amours Au jour le jour La bouche usée Par les baisers Trop souvent, mais... Trop mal donnés Le teint blafard Malgré le fard Plus pâle qu'une Tâche de lune.
La femme qui est dans mon lit N'a plus vingt ans depuis longtemps Les seins si lourds De trop d'amour Ne portent pas Le nom d'appâts Le corps lassé Trop caressé Trop souvent, mais... Trop mal aimé Le dos voûté Semble porter Des souvenirs Qu'elle a dû fuir.
La femme qui est dans mon lit N'a plus vingt ans depuis longtemps Ne riez pas N'y touchez pas Gardez vos larmes Et vos sarcasmes Lorsque la nuit Nous réunit Son corps, ses mains S'offrent aux miens Et c'est son coeur Couvert de pleurs Et de blessures... Qui me rassure!