Chaque jour à la caserne, Je trace un petit bâton A la craie sur la cloison En attendant un jour de perm'. Pour pas mourrir à la tâche Dans ma vareuse pistache, Je cache mon existence Dans les lieux d'aisance.
Et dans ce repli du monde, Ma pensée vagabonde, Avec une marguerite, J'attends Marie-des-guérites.
Au conseil de réforme J'me suis présenté en forme, En forme de grand échalas. En dépit de mes pieds plats, J'suis passé sous les drapeaux, J'suis passé sous les ciseaux, Sous la tondeuse et la toise Et le petit toit d'ardoise.
Et dans ce repli du monde, Ma pensée vagabonde, Avec une marguerite, J'attends Marie-des-guérites.
En attendant qu'elle inspecte Mon petit établissement, Je nettoie, je désinfecte Jusqu'a l'éblouissement. Nue sur une peau de bique, Elle fait l'objet d'un tableau, L'objet d'un mosaïque Cachée derrière la chasse d'eau.
Et sur ce beau brin de blonde, Ma pensée vagabonde, Avec une marguerite, J'attends Marie-des-guérites.
Un an à tourner en rond Dans le carré des saisons, Et dans les commodités, J'ai le temps de méditer La morale des dictons Qui fleurissent sur les murs Et dans l'esprit des grivetons Malgré l'action du bromure.
Et dans ce repli du monde, Ma pensée vagabonde, Avec une marguerite, J'attends Marie-des-guérites.
Il paraît que Diogène Habitait dans un tonneau, Moi, mon prénom c'est Eugène, Je l'écris dans les goguenots. Parmis les dessins obcènes Qui constellent la paroi, Je fais des petites croix Pour chasser le cafard d'ébène.
Et dans ce repli du monde, Ma pensée vagabonde, Avec une marguerite, J'attends Marie-des-guérites.
Chaque jour à la caserne, Je trace un petit bâton A la craie sur la cloison En attendant un jour de perm'. A cause d'un obus sans gène Sur la cabane à Eugène, Ma carrière de biffin, Brutalement, a pris fin.
Et sur le chemin de ronde, Mon âme vagabonde, Sous une marguerite, J'attends Marie-des-guérites.