J'étais enfant rêveur, je voyais tout nouveau Dans le pré de la maison du passage à niveau J'ai vu le nez des trains et j'ai vu leur derrière Depuis la p'tite maison de la garde-barrière
Marraine me laissait tourner la manivelle Alors je vous le jure, il me poussait des ailes Et depuis ce jour-là, j'aime les limonaires Depuis la p'tite maison de la garde-barrière
Gare au train qui roule Au train où ça va Avant qu'il déboule Il faut rentrer les draps Comme les averses Les trains sont pressés La vie nous transperce Et c'est le passé
A trois trains du matin, on partait au village Et on suivait les rails pareils à un sillage On rentrait vers l'express du soir et des poussières Dans la p'tite maison de la garde-barrière
Les chats vivaient pas vieux ou dansaient sur trois pattes Les coqs laissaient voler quelques plumes écarlates Les lapins finissaient souvent célibataires Dans la cour de la maison de la garde-barrière
Gare au train qui roule Au train où ça va Avant qu'il déboule Il faut rentrer les draps Comme les averses Les trains sont pressés La vie nous renverse Et c'est le passé
Elle avait, marraine, un visage de chiffon Bouffé par deux grands yeux d'un bleu de ciel profond Un sourire sans dents, des cheveux de coton Eternellement blancs, tirés dans un chignon Elle mâchait ses gencives à longueur de journée Somnolait bouche ouverte devant la télé Le coude sur la table, la tête dans ses mains Et je me sentais bien entre hier et demain
Pour faire passer la route, ils ont bâti un pont Et les trains désormais ne voient plus la maison Ils ont les yeux fermés et ne se soucient guère Qu'il y avait une maison et sa garde-barrière
Gare au train qui roule Au train où ça va Avant qu'il déboule Il faut rentrer les draps Comme les averses Les trains sont pressés La vie nous traverse Et c'est le passé
J'ai le coeur en voyage et je rêve au hasard Qu'il reste ici ou là quelques gardiens de phares Et quelques éclusiers et quelques limonaires Quelques grands voyageurs Quelques garde-barrières