Avant de m'endormir, traînant péniblement mes paupières, J'ôte un à un mes vêtements dans une danse amorphe et lente, Je les dépose vulgairement, là où je trouve de la place, Puis j'étale mon corps sous la couette et remue quelques grimaces.
Avant de m'endormir, je vérifie les réglages du réveil, Je compte machinalement si j'obtiendrai mes huit heures de sommeil, Je ne sais pas vraiment pourquoi je fais toujours ce calcul, À faire ça tous les soirs, j'ai bien l'air ridicule.
Avant de m'endormir, quand la tête sur l'oreiller, Je fixe de mes yeux clos, le noir de mes paupières, Je cherche un tas de raisons qui expliqueraient ceci ou cela, Je mets des mots sur mes doutes, soutiens que le temps fera le reste,
Et puis, je change de côté, je me retourne, ajuste la couette, Il n'y a pas de raisons de s'en faire, ici tout est fait pour oublier, Seulement, juste avant de plonger, avant de coucher le sommeil galopant, Juste avant il y a tous ces nœuds, juste avant il y a tout ce trafic incessant.
Avant de m'endormir, j'aime à rouler par terre les idées noires, Chasser les vieux démons qui voudraient s'inviter dans mon lit, En général, ils se suivent après avoir éteint la lumière, Et la seule chose qui reste à faire, c'est d'attendre qu'ils se soient enfuis.
Parfois les rêves arrivent si vite que je me sens comme emporté, Et que le tourbillon est trop puissant, qu'il me happe sans attendre, Ressentir les sensations, les garder quelques instants, Dans ma main ou je ne sais où, voulant à tout prix les comprendre,
Avant de m'endormir, quand par dix fois j'ai tourné la tête, Quand j'ai allumé la lumière, pris ce stylo pour voir ces lignes, Quand par dix fois j'ai regardé l'heure d'un air somnambule malgré lui, En cherchant une foutue raison d'être encore debout la nuit.
Dans cette chambre sans fenêtre, aux murs en papier de cigarette, Sous cette tente sous la pluie, dans ce camping du Finistère, Dans la voiture tant bien que mal, sur la route des vacances, Dans les lits superposés à l'internat du lycée.
Dans le lit immense et froid à Reims, chez mes grand-parents, Au milieu de ce champ sous les étoiles de la Sologne en été, Dans cet hôtel très confortable de la banlieue parisienne, Sur les fauteuils du Nouvel An, quand les adultes dansaient encore.