Petit poisson deviendra grand, Pourvu que Dieu lui prête vie ; Mais le lâcher en attendant, Je tiens pour moi que c’est folie : Car de le rattraper il n’est pas trop certain. Un Carpeau qui n’était encore que fretin Fut pris par un Pêcheur au bord d’une rivière. « Tout fait nombre, dit l’homme en voyant son butin ; Voilà commencement de chère et de festin : Mettons-le en notre gibecière. » Le pauvre Carpillon lui dit en sa manière : « Que ferez-vous de moi ? je ne saurais fournir Au plus qu’une demi-bouchée ; Laissez-moi Carpe devenir : Je serai par vous repêchée ; Quelque gros partisan m’achètera bien cher : Au lieu qu’il vous en faut chercher Peut-être encore cent de ma taille Pour faire un plat : quel plat ? croyez-moi, rien qui vaille. – Rien qui vaille ? eh bien ! soit, repartit le Pêcheur : Poisson, mon bel ami, qui faites le prêcheur, Vous irez dans la poêle, et vous avez beau dire, Dès ce soir on vous fera frire. » Un Tiens vaut, ce dit-on, mieux que deux Tu l’auras : L’un est sûr, l’autre ne l’est pas.