«Chant d’automne» («Осенняя песня») для сопрано и большого оркестра, соч. 38 (1971) на стихи Шарля Бодлера
Наталья Загоринская (сопрано) симфонический оркестр ТРК «Останкино» под управлением Александра Михайлова Запись декабря 1993 г.
1. Chant d’automne
Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres; Adieu, vie clarté de nos étés trop courts ! J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres Le bois retentissant sur le pavé des cours. Tout l'hiver va rentrer dans mon être: colère, Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé, Et, comme le soleil dans son enfer polaire, Mon coeur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé. J'écoute en frémissant chaque bûche qui tombe; L'échafaud qu'on bâtit n'a pas d'écho plus sourd. Mon esprit est pareil à la tour qui succombe Sous les coups du bélier infatigable et lourd. Il me semble, bercé par ce choc monotone, Qu'on cloue en grande hâte un cercueil quelque part. Pour qui? — C'était hier l'été; voici l'automne ! Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.
2. La Fin de la Journée
Sous une lumière blafarde Court, danse et se tord sans raison La Vie, impudente et criarde. Aussi, sitôt qu'à l'horizon
La nuit voluptueuse monte, Apaisant tout, même la faim, Effaçant tout, même la honte, Le Poète se dit: «Enfin!
Mon esprit, comme mes vertèbres, Invoque ardemment le repos; Le coeur plein de songes funèbres,
Je vais me coucher sur le dos Et me rouler dans vos rideaux, Ô rafraîchissantes ténèbres!»
3. La Cloche fêlée
Il est amer et doux, pendant les nuits d’hiver, D’écouter, près du feu qui palpite et qui fume, Les souvenirs lointains lentement s’élever Au bruit des carillons qui chantent dans la brume.
Bienheureuse la cloche au gosier vigoureux Qui, malgré sa vieillesse, alerte et bien portante, Jette fidèlement son cri religieux, Ainsi qu’un vieux soldat qui veille sous la tente !
Moi, mon âme est fêlée, et lorsqu’en ses ennuis Elle veut de ses chants peupler l’air froid des nuits, Il arrive souvent que sa voix affaiblie
Semble le râle épais d’un blessé qu’on oublie Au bord d’un lac de sang, sous un grand tas de morts, Et qui meurt, sans bouger, dans d’immenses efforts.
4. Recueillement
Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici : Une atmosphère obscure enveloppe la ville, Aux uns portant la paix, aux autres le souci.
Pendant que des mortels la multitude vile, Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci, Va cueillir des remords dans la fête servile, Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici,
Loin d’eux. Vois se pencher les défuntes Années, Sur les balcons du ciel, en robes surannées ; Surgir du fond des eaux le Regret souriant ;
Le Soleil moribond s’endormir sous une arche, Et, comme un long linceul traînant à l’Orient, Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.